Je ne sais pas ce que je fais là. Je n'en ai aucune idée. Je suis si fatigué... Tout est noir. Peut-être parce que mes yeux sont fermés. Oui, ce doit être ça. Mais à quoi bon les ouvrir ? Ne suis-je pas mort ? Que s'est-il donc passé... je me souviens d'une terreur intense. De la certitude d'aller droit à la mort. Mais attendez donc. Voilà des images qui me reviennent.

Un cockpit en flammes. Des voyants affolés qui s'allumaient dans une sarabande complexe, mécanique et insensée. Des sons qui reviennent ; le hurlement strident du métal surchauffé, les alarmes aigües de l'appareil qui clamaient leur avertissement mortel. Cette folie, oui, mais au moins elle valait mieux que la démence de la Kind Arena. Là aussi, je me rappelle. Cet enfer clinique et au-delà de tout bon sens. La survie par l'assassinat. Et puis ces soldats qui arrivaient en masse... mais d'où sortaient-ils ? Pourquoi, et pour qui ? Je me souviens avoir lu... de la surprise... oui, de la surprise sur leur visage lorsque je m'étais déchaîné contre eux. Le sang avait maculé les murs auparavant immaculés. Leurs armures n'avaient pas su les garder de ma colère, de ma peur. Mon dieu. Ai-je eu raison de les tuer ?

De toutes façons, ces questions ne servent à rien maintenant. Voyons donc où je suis ; une plage, une plage qui semble infinie. La plaine apparaît timidement un peu avant la ligne azurée de l'horizon. Mais quel est ce monde ? Cela me rappelle... oui, mon enfance. Serait-ce la Terre ? Suis-je de retour à la maison ?

Je ne puis décrire le sentiment qui m'empoigne le coeur. Ma vue se brouille, et je sens bientôt des larmes rouler sur mes joues crasseuses de sable, de suie et de poussière. Oui, c'est bien la Terre.

Soudain, j'entends un bruit de pas derrière moi. Je me retourne brutalement, pour découvrir un être étrange ; on dirait un chat, tout de blanc. Mais ce félin-là se tient sur deux pattes, et une intelligence dangereuse brille dans son regard.

- Que... qu'êtes-vous ? bredouillai-je. Sa réponse me parvint aussitôt, dictée par une voix légèrement rauque et nasillarde.
- Je suis un chat, mon garçon, cela se voit bien. J'aimerai te demander pour quelle raison tu t'es abattu ainsi sur cette plage, avec ton vaisseau. Ce me semble être un appareil léger, couramment usité par les soldats, n'est-ce pas ?
- Oui, c'est bien ça.
- Alors pourquoi est-il en ta possession ? Serais-tu poursuivi ? reprit-il avec une indéniable bienveillance.

Toutefois, je ne pouvais pas lui faire confiance. Jamais, jamais plus.

- Je vous conseille de repartir d'où vous venez.
- Allons, ne t'énerve pas. Dis-moi plutôt quel est ton nom.
- Karin. On m'appelle Karin.

Je le vis tressaillir, presque imperceptiblement.

- Karin, en es-tu bien sûr ?
- Parfaitement.
- Et comment va ta mère, alors ?

A mon tour d'être agité par un tremblement nerveux.

- Vous moquez-vous de moi ? grondai-je.
- Pas du tout, pourquoi cela ?
- Ma mère est morte il y a environ quinze ans.
- Je ne savais pas. Cela m'étonne.
- Comment l'avez-vous connue ?
- Mais voyons, c'est moi qui l'ai entraînée.
- Entraînée ? Ma mère s'est entraînée à quoi ?
- Mais à se battre, bien sûr...

Je tombais des nues. Ce stupide animal se moquait de moi.

- Qui êtes-vous ? Pourquoi racontez-vous ces imbécilités ?
- Et toi, sais-tu qui tu es, et qui fut ta mère ?
- Je...

Son simple regard me cloua le bec. Non. A l'évidence, il en savait plus que moi.

- Je dois partir, jeune homme.
- Non, pas maintenant ! Arrêtez-vous !
- J'ai d'autres choses plus importantes à faire que de bavarder avec un jeune ignorant, lâcha-t-il avec humeur. Mais si tu veux en savoir plus, rejoins-moi à la Tour, Karin...

Je ne pu dire un mot de plus qu'il disparut dans un éclair vif de blanc, me laissant là, perplexe et perdu plus encore qu'à mon arrivée. Je me mis cependant en marche, droit devant moi, droit vers mon futur, mais aussi vers ce qui allait devenir mon véritable passé...

34 lignes-> 3400 xp -> 1700 zénies

PS: seules les complètes comptent, mais j'essaie d'emboiter les incomplètes pour en faire une complète