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 L'Ombre de la Mort

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Terrien

Kaito

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L'Ombre de la Mort _
MessageSujet: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeSam 1 Aoû - 22:29

Sous la chaleur oppressante du soleil de midi, il se déplaçait subrepticement, comme si les ombres l'enveloppaient toujours, même en ces lieux qui en comportaient pourtant si peu, et comme si la poussière omniprésente ne pouvait l'atteindre. Le marché à ciel ouvert était bondé; il était toujours bondé. Les commerçants et les client marchandaient âprement jusqu'à la plus petite pièce. Aux meilleurs endroits, là où l'on se bousculait, les voleurs étaient postés à l'affût, prêts à subtiliser le porte-monnaie des plus insouciants. Au moindre pépin, ils se fondaient dans la foule bariolée avec leur butin bien mal acquis. Au premier coup d'œil, Tephanis repéra les tire-laine. D'un regard il distingua les camelots des fouilleurs de poches et ne chercha pas à éviter cette dernière engeance. Au contraire, il passa tout près des ladres en repoussant sciemment un pan de son manteau noir sur sa poche pansue et sur la dague sertie de pierre précieuses qui le protégeait si efficacement. L'arme était l'une des griffes les plus redoutable de son clan. Il savourait le respect craintif des jeunes voleurs. Mieux, il l'exigeait. Car il avait passé des années à se forger une réputation, celle de tueur à gages. En tout cas, plus téméraire que dans sa prime jeunesse, il défia ouvertement les jeunes loups. Il traversa l'avenue animée en direction de la terrasse d'un restaurants aux tables rondes disposées sous un grand auvent. La place était prise d'assaut, mais au premier coup d'œil, il repéra son contact, le flamboyant Indis Fantur coiffé de son inévitable turban jaune vif, et fonça vers lui. Indus était attablé de trois lascars qui ne comptaient manifestement pas parmi ses amis. En fait, c'étaient pour lui de parfaits étrangers. Le trio tenait une conversation à vois basse pendant qu'Indis scrutait la foule, bien calé sur son siège. Tephanis arriva devant lui, Indis Fantur, embarrassé, haussa les épaules. Le tueur jeta des regardes intrigués aux trois importuns et demanda.

-Vous ne leur avez pas dit que cette table était prise ?

Les trois compères interrompirent leur conversation pour toiser de haut le nouveau venu. En sueur, Indis s'essuya le front.

-J'ai essayé de leur expliquer...

Une main levée, Tephanis le fit taire en foudroyant du regard les indésirables.

-Nous devons parler affaires.

-Et nous avons à boire et à manger !

Riposta l'un des types. Tephanis s'abstint de répondre et plante son regard dans le sien. Longuement. Il ingora les remarques des autres. Loin de se laisser distraire, il se concentra pour plier l'impudent à sa volonté, lui laisser signifier l'implacacle pureté de sa détermination. Un des deux autres se leva et affronta Tephanis.

-Qu'est-ce que tout cela signifie ?

Indis commença à baragouiner une prière.

-Je vous ai posé une question !

Insista le type en faisant mine de bousculer le tueur. Vif comme l'éclair, Tephanis lui bloqua le pouce et le lui tordit. Durant tout ce temps, Tephanis ne cilla pas et ne quitta pas des yeux son adversaire, tout en gardant à l'oeil le premier, assis juste en face de lui, et en lui lançant un regard noir. L'homme que Tephanis tenait par le pouce poussa un petit grognement lorsque l'assassin affirma sa prise, puis il voulut tirer de sa main libre un couteau incurvée, glissée sous son ceinturon. Indis poursuivit sa prière en marmonnant. Le type qu'affrontait Tephanis du regard fit signe à son camarade de se calmer et de garder sa main éloignée de son ceinturon. D'un signe de tête, Tephanis intima à l'homme encore assis l'ordre de déguerpir avec ses amis. Il lâcha l'autre, qui se massa le pouce en lui lançant un regards mauvais. Mais ni lui ni ses camarades ne tentèrent quoi que ce soit, se contentant de décamper. S'ils n'avaient pas reconnu le tueur, celui-ci avait parfaitement su leur signifier qui il était, sans même dégainer.

-C'est ce que je voulais faire.

Ricana Indis lorsque les trois hommes furent à bonne distance et que Tephanis se fut installé sur le siège qui se trouvait en face de lui. Tephanis se contenta de le regarder fixement, remarquant une fois de plus à quel point il était mal fichu. Avec sa grosse tête et son visage rond, le maigre Indis Fantur paraissait émacié. Tranchant sur sa peau et ses yeux noirs, son éternel sourire dévoilait une dentition à l'éclatante blancheur. Il se racla la gorge.

-Je suis surpris que vous soyez venu. Votre ascension au sein du clan Basadoni vous a attiré beaucoup d'ennemis. Ne craignez-vous pas la perfide ?

Tephanis le lorgna sans aménité. Oui, il avait crain un piège, mais il devaut s'entretenir avec Indis. Kim Obdra, le démon psionique à la solde de Jarlax, avait fouillé les pensées d'Indis et en avait conclu qu'il n'y avait pas de conspiration en cours. Naturellement, vu la source de ces renseignements, un démon qui ne portait pas Tephanis dans son cœur, l'assassin n'était pas tout à fait rassuré.

-Ça peut être une prison pour les puissants. Une prison pour un être puissant, vous voyez ? Tant de pachas n'osent plus sortir de chez eux sans une centaine de gardes...

-Je ne suis pas un pacha.

-Non, en effet. Mais Basadoni vous appartient, à Sharlot et à vous.

Il s'agissait de Sharlot Vespyr, l'ambitieuse intrigante qui avait usé de ses charmes pour devenir le bras droit du Pacha Basadoni. Elle avait survécu à la prise de pouvoir des démons et était devenue le chef de file du clan. Du jour au lendemain, ce clan avait acquis plus de puissance qu'on en aurait pu imaginer. Indis lâcha l'un de ses gloussements irritants.

-C'est de notoriété publique. Je savais que vous étiez bon, mon ami, mais à ce point...

Tephanis sourit, amusé par un fantasme : plonger sa dague dans ce cou squelettique, sans raison, sinon qu'il détestait le parasite. Hélas, il avait besoin de lui. Voilà comment cet informateur de premier ordre avait réussi à survire depuis si longtemps. Indis avait fait du renseignement son gagne-pain. Mieux, un art. Pourvu que le prix soit convenable, il apportait à ses clients tout son talent et leur fournissait toutes les informations qu'ils souhaitaient obtenir. Il savait bien prendre ke pouls de la ville, il connaissait tellement les familles puissantes et les minables frappes des bas-fonds, qu'il était devenu trop précieux pour être assassiné.

-Alors...Ce pouvoir dissimulé derrière le trône de Basadoni... Vous ne m'avez certainement pas tout dit.

Continua Indis avec un sourire. Tephanis lutta pour rester de marbre. Lui rendre son sourire aurait été se trahir. Et comme l'ingnorance réelle de son interlocuteur sur les nouveaux Basadoni l'amusait. Indis ne saurait jamais qu'une armée de démons s'était implantée, avec le clan Basadoni pour façade.

-N'étions-nous pas convenus de parler de l'oasis Dallabab ?

Soupirant, Indis haussa les épaules.

-Il y a beaucoup de sujet intéressants à aborder. Dallabad n'en fait pas partie, j'en ai peur.

-C'est votre avis.

-Rien n'a changé là-bas en vingt ans. Et je pourrais rien vous apprendre que vous ne sachiez déjà depuis longtemps...

-Kohrez Soulin détient toujours la Griffe de Charon ?

Indis hocha la tête en gloussant.

-Naturellement ! Et il n'est pas près de la lâcher prise ! La griffe lui sert depuis quatre décennies. Quand Soulin mourra, l'un de ses trente fils lui succédera à coup sûr. A moins que l'indélicate Dania Soulin s'empare la première de la Griffe. Quelle ambitieuse que cette fille-là ! Si vous veniez me demander si Kohrez Soulin envisage de se séparer de son bien voilà, votre réponse. En vérité, il y a des sujets beaucoup plus intéressants. Comme le clan Basadoni.

Le Regard de Tephanis se durcit soudain. D'un geste dramatique, son interlocuteur battit des bras, une vision incongrue, ces bras squelettiques autour de la grosse tête.

-Pourquoi le vieux Soulin la vendrait-il maintenant ? Eh quoi, mon ami... C'est bien la troisième fois que vous tente d'acquérir cette fabuleuse épée ! Oui, oui : d'abord, à l'époque de votre enfance, quand vous aviez quelques centaines de zénis en poche, un don de Basadoni, hein ?

Malgré lui, Tephanis grimaça. En dépit de ses défauts, Indis était le plus doué dès qu'il s'agissait d'interpréter les gestes ou les expressions des gens et d'en déduire la vérité. Mais, à la lumière des récents événements, le souvenir toucha le tueur. En ce jour si lointain, le Pacha Basadoni avait en effet versé un peu plus d'argent à son jeune lieutenant, le plus prometteur du lot. Un geste de pure générosité. A la réflexion, Basadoni était peut-être le seul homme qui avait su récompenser Tephanis sans arrière-pensée. Et quelques mois plus tôt, Tephanis avait tué cet homme.

-Eh oui...Et peu après la fin du Pacha, vous avez remis ça. Ah, celui-là... Sa chute fut rude !

Tephanis riva sur son interlocuteur un regard noir. Indis s'avisant qu'il prenait un peu trop à son aise, se racla la gorge gêné.

-Et à ce moment-là, déjà, je vous avais dit que c'état impossible. C'est tout à fait impossible.

-J'ai plus d'argent maintenant !

-Tout l'or du monde n'y suffirait pas !

-Tout l'or du monde...En connaissez-vous le montant exact ? Et celui de la fortune des Basadoni ?

-Vous voulez parler de celle de votre famille ?

Le tueur ne le reprenant pas, Indis écarquilla les yeux. Il n'aurait pu entendre de meilleure confirmation que ce silence. Les rumeurs donnaient pour mort le vieux Basadoni. Sharlot Vespyr et les autres maîtres du clan ne seraient que des pantins entre les mains du véritable seigneur, Tephanis. Indis Sourit.

-La Griffe de Charon...En coulisse, le vrai maître est Tephanis, lui-même tirant son pouvoir de la...magie, j'imagine, puisqu'il vous faut cette épée à tout prix. Votre associé, un magicien, deviendrait-il de plus en plus...dangereux ?

-Continuez, vous m'intéressez.

-Je suis sur la bonne voie ?

-Insistez là-dessus et je me verrai dans l'obligation de couper court à vos spéculations...définitivement. Vous parlerez au cheik Soulin, et lui redemanderez son prix.

-Il refuse de vendre !

Tephanis bondit sur son interlocuteur, plus vif qu'un chat sautant sur une souris. Il le saisit d'une main par l'épaule, tandis que de l'autre il s'empara de sa dague sertie de joyaux. Il colla son visage contre celui d'Indis.

-Ce serait très dommage...Pour vous !

Repoussant l'informateur sur son siège, le tueur se redressa et jeta des regards à la ronde. Comme pour repérer quelque proie sur laquelle assouvir sa subite soif de sang. Après un coup d'œil à Indis, il quitta l'auvent et regagna le tumulte du marché. Calmé, Tephanis songea à ce qui venait de se produire. Il morigéna. Sa frustration commençait à le pousser à l'erreur. A l'éloigner de la perfection. En intimant à l'informateur l'ordre d'acquérir la Griffe de Charon coûte que coûte, il n'aurait pas pu être plus explicite sur les racines du problèmes. Avant tout, l'épée et le gantelet étaient conçu pour affronter les magiciens et les psioniques. Car c'étaient bien eux, les tourmenteurs de Tephanis. Ray et Kim, les lieutenants de Jarlax au sein de Bregan, respectivement un magicien et un psionique. Tephanis leur vouait une haine féroce, un sentiment qu'on lui retournait au centuple. Pis, Tephanis savait que son unique rempart contre ce dangereux duo était Jarlax en personne. Si, à sa grande surprise, il en était venu lui à accorder sa confiance, il doutait que le guerrier démon puisse longtemps le protéger. Après tout, les accidents, ça arrivait. Tephanis avait besoin de protection, mais il lui faudrait, comme toujours, faire preuve de patience et de finesse, multiplier les fausses pistes et faire usage des techniques qu'il avait perfectionnées tant d'années auparavant. Il devrait distiller de fausses informations et mêler le mensonge et la vérité de telle sorte que ni ses amis, ni ses ennemis ne puissent distinguer le vrai du faux. Lui seul connaîtrait la vérité, et lui seul pourrait donc véritablement contrôler la situation. A la lumière de cette mise au point, il jugea son entretien moins que satisfaisant, avec le sagace Indis Fantur comme un sévère avertissement. Cette fois, avec les démons en lice, il survivrait à la condition de ne rien négliger ni laisser échapper. Indis avait presque deviné le bourbier dans lequel il se trouvait. Il avait du moins mis le doigt sur une partie de la vérité. Face-de-lune n'aurait rien de plus pressé que de monnayer l'intrigante information. Par les temps qui couraient, beaucoup de magouilleurs paieraient cher pour avoir des lueurs sur l'énigme de l'ascension fulgurante du clan Basadoni. A cause d'Indis, les gens bien informés se pencheraient aussitôt sur les suspects habituels : les personnalités les plus puissantes. Malgré son humeur maussade, Tephanis gloussa en imaginant la tête que ferait Face-De-Lune si par extraordinaire il apprenait un jour le fin mot de l'histoire. L'arrivée en force des Démons ! En tout cas, Tephanis ne menaçait jamais en vain. Si Indis avait la puce à l'oreille, Tephanis ou n'importe quel agent de Jarlax le tuerait.

Indis Fantur resta longuement attablé à se remémorer chaque mot et chaque geste de son dangereux interlocuteur. Qu'un magicien détiennent le pouvoir en coulisses, au sein du clan Basadoni, ne faisait plus l'ombre d'un doute. Cela n'avait rien d'une révélation. Attendu la fulgurante de l'ascension du nouveau maître, et les impressionnants dégâts infligés aux maisons rivales, un magicien ou plus vraisemblablement plusieurs, avait forcément joué un rôle primordial. Cela étant, la réaction viscérale de Tephanis était fort significative. Tephanis, l'homme au sang-froid légendaire, l'Ombre de la mort. Trahir ainsi des tourments intérieurs avec un soupçon de peur ? Et depuis quand un tueur de cette trempe avait-il besoin d'attraper sa victime par le col pour l'intimider ? Ça ne lui ressemblait pas. Son regard noir suffisait amplement à térrifier les quidams. Et si des fous furieux refusaient de revenir à la raison, Tephanis ne perdait pas une seconde à les menacer ou à se livrer sur eux à des voies de fait. Il les tuait. Cette réaction anormale avait donc certainement eu de quoi intriguer Indis. Qu'est-ce qui avait pu à ce point faire sortir Tephanis de ses gonds ? Mais, en même temps, le comportement de l'assassin avait également servi d'avertissement. Indis savait très bien que tout ce qui allait à l'encontre des projets de Tephanis pouvait très aisément causer sa propre perte. Malgré tout le piquant de l'énigme, Indis se sentait terrifié.
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Dragon Malefique

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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeDim 2 Aoû - 13:58

Tephanis = 117 lignes = 11.700 xp = 5850 zenies
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Terrien

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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeDim 2 Aoû - 17:18

Aelynda Winter entra sur la pointe des pieds dans l'arrière-salle chichement éclairé de son établissement, le cuivre Ante. Compétente entre toutes, rusée, douée au katana et plus vive d'esprit encore, Aelynda n'avait pas coutume de se déplacer en catimini sur son propre territoire. Mais un assassin de la trempe de Tephanis Aukrion, aucun endroit au monde n'étais vraiment sûr. Elle le trouva en train de faire les cent pas, et l'étudia. Ces derniers temps, le tueur était visiblement sur les dents. Hors du clan Basadoni, Aelynda était une des rares à être dans la confidence. Les démons s'étaient infiltrés dans les rues de Portocal. Tephanis était leur homme de paille. Si Aelynda avait eu des idées préconçue sur les démons, un coup d'œil à Tephanis aurait suffi à les confirmer. Tephanis Aukrion n'avait jamais été quelqu'un de très nerveux, Aelynda n'était pas certaine qu'il le soit devenu, et elle n'aurait jamais pensé qu'il puisse être en désaccord avec lui-même. Plus curieux encore, il avait choisi la jeune fille comme confidente. Ça non plus, ça ne lui ressemblait pas. Néanmoins, Aelynda ne flairait pas de traquenard. Si surprenant que ce soit, les choses étaient ce qu'elles semblaient être. Histoire de remettre de l'ordre dans ses idées, Tephanis s'adressait autant à Aelynda qu'à lui-même. Et, pour une raison qui échappait encore à la jeune fille, il la laissait écouter. Quel insigne honneur ! Mais elle comprit que ce compliment s'accompagnait d'un véritable péril. En réfléchissant à tout cela, la fillette s'installa sur un siège et ouvrit grandes les oreilles, à l'affût d'indices. A l'autre bout de la pièce, elle avisa sur une chaise un flacon à demi plein de cognac.

-A chaque coin de rue, dans cette maudite cité, ces fâcheux fourmillent ! Des fanfarons qui arborent leurs cicatrices et leurs armes comme des médailles du mérite, tellement imbus de leur réputation qu'ils en perdent de vue leurs objectifs ! Il jouent pour la galerie, histoire de récolter les vivats et les lauriers...Ils ne visent rien de mieux !

Le tueur n'avait pas la langue pâteuse. Mais son élocution traînante ne laissait planer aucun doute sur sa consommation inhabituelle d'alcool.

-Depuis quand Tephanis Aukrion se soucie-t-il des voleurs à la petite semaine ?

Impavide, le tueur se tourna vers Aelynda.

-Je les repère avec soin, car j'ai conscience que ma réputation me précède. A cause d'elle, beaucoup de voyous adoreraient me poignarder dans le dos. Quelle gloire ils retireraient de ma mort ! Ils savent bien que je ne rajeunis pas, et ils guettent l'instant où mes réflexes ne seront plus ce qu'ils étaient...Logiques. En quelques années, mes capacités ont diminués.

Répondit l'assassin en se remettant à faire les cent pas. Devant cet aveu surprenant, Aelynda plissa le front.

-Mais à mesure que le corps vieillit, l'esprit s'aiguise. Si ma réputation me soucie toujours, ce n'est plus la même chose. Mon but, dans la vie, était d'atteindre l'excellence, de rester inégalé dans mon domaine et de battre mes ennemis sur tout les plans. Je voulais être le guerrier ultime. Il a fallu un homme que je méprise pour m'ouvrir les yeux sur mes erreurs ! Mon voyage contraint er forcé dans les abysses comme invité de Jarlax m'a ramené à plus d'humilité. Il m'a montré la futilité d'un monde peuplé de guerrier sans faille et ma guéri de mes fantasmes de perfection...Dans les abysses, les rues grouillaient de "Tephanis l'imbattable " ! Des gens tellement obnubilé par leurs objectifs qu'ils oubliaient de vivre, tout simplement.

-Ce sont des démons. Leurs vraies motivations nous échapperont toujours. Forcément.

-Ma chère, leur ville est de toute splendeur. Et leur puissance dépasse l'imagination. Pourtant, Les abysses reste un lieu habité par une passion unique : la haine. Je suis revenu transformé, en effet, de cette cité peuplé de vingt milliard de tueurs en série ! J'ai été amené à réviser jusqu'aux fondamentaux de mon existence ! Au final, à quoi rime tout ça ? Hein ?

Ses doigts potelés posés sur ses lèvres, Aelynda dévisagea son étrange interlocuteur. Tephanis annonçait(il qu'il se retirait des affaires ? Tirait-il un trait définitif sur son glorieux passé ? Avec un soupir, la fillette secoua la tête.

-A un moment ou à un autre, nous nous posons tous la question. Que demandons-nous à la vie ? L'or, le respect, la propriété, le pouvoir...

-En effet, je comprend mieux qui je suis et ce qui importe. En revanche, j'ignore encore à quoi je me destine ou quels défis il me reste à relever. En tout cas, si j'ai appris une chose, c'est que le chemin compte autant que le but du voyage.

Alors qu'Aelynda allait lui demander où tout ça le mènerait, selon lui, une information capitale, vu la puissance du clan Basadoni. Tephanis reprit brusquement.

-Dois-je continuer à me soucier de ma réputation ? A rester un modèle de réussite pour les autres assassins de Portocal ? Oui aux deux questions, mais pas pour les raisons des imbéciles qui fanfaronnent à chaque coin de rue...et qui finiront dans le caniveau, lardés de coups. Je tiens à ma réputation simplement parce que grâce à elle, tout est plus facile. Et je tiens à la gloire parce que mes ennemis apprennent à me craindre au-delà de toute logique ou de toute prudence. Même quand ils me menacent, leur frayeur les paralyse. Ils multiplient les atermoiements au lieu d'agir. Et ça se retourne contre eux. D'un simple bluff, je peux multiplier leurs doutes, les amener à commettre de graves erreurs...Je me sers de cette peur pour l'utiliser à leurs dépens. Et quand je feins la vulnérabilité histoire d'endormir la méfiance, les prudents retiennent leurs coups.

Il marqua une pause et hocha la tête, satisfait de sa propre analyse. Il commençait à y voir plus clair.

-Une position enviable.

-Que ces crétins continuent donc de se mesurer à moi, les uns après les autres ! Chaque éliminations d'un rival renforce ma sagesse et ma force.

Il fit claquer contre une cuisse son curieux boléro noir à bord court, puis il fit remonter d'une chiquenaude experte son bras et son épaule pour qu'il atterrisse sur sa nouvelle coiffure en brosse. Sur un clin d'oeil à Aelynda, Tephanis quitta la pièce. Apparemment, le tueur, de nouveau soigné de sa personne, s'était reprit en main. Aux yeux de la jeune fille, son débraillé inhabituel n'avait pas été un bon signe. Les doigts pressés sur sa lippe songeuse, elle resta assise un long moment. Pourquoi Tephanis avait-il éprouvé le besoin de se donner en spectacle en lui ouvrant son cœur ? Fallait-il y voir une révélation ? Soudain, Aelynda eut les réponses à ses questions. Tephanis Aukrion était son ami.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeDim 2 Aoû - 18:10

Téphanis = 57Lignes = 5.700Xps = 2.850Zénis.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMar 11 Aoû - 20:00

-Plus vite ! Plus vite, j'ai dit !

Brailla Jarlax en lançant dague sur dague sur le tueur qui esquivait en multipliant les plongeons et les roulés-boulés. On avait du mal à suivre à l'œil nu ce flot continu de traits d'argent. Tephanis déviait également les dagues avec son poing, rageusement, en effectuant des sauts périlleux à la verticale afin d'intercepter les projectiles et de les écarter de leur trajectoire. Son jeu de jambes était hallucinant, il bondissait de part et d'autre, à la recherche d'une ouverture dans la position défensive de Jarlax. Une position d'autant plus périlleuse que les dagues volaient en un flux incessant.

-Une ouverture !

Cria le démon, lançant successivement trois dagues supplémentaires. Tephanis projeta son poing de l'autre coté, mais son partenaire avait raison. La tête rentrée dans les épaules, les bras serrés pour protéger les organes vulnérables de son corps, il plongea.

-Bien joué !

Le congratula le démon. Tephanis se releva. Il avait encaissé un seul coup, et encore, la lame ne s'était pas fichée dans sa chair, mais dans un repli de sa cape. En se relevant, il sentit la lame contre son mollet. Craignant qu'elle le fasse trébucher, il lança sa propre dague dans les airs, puis défit vivement sa cape et, dans le même mouvement fluide, il la projeta au loin. Mais une idée lui vint. Au lieu de se débarrasser de sa cape, il rattrapa sa dague et la serra entre ses dents. Il tourna autour du démon en agitant lentement sa cape, et en l'utilisant comme bouclier contre les projectiles. Jarlax sourit.

-L'improvisation...La marque d'un authentique guerrier.

Ces mots étaient à peine tombés de ses lèvres quand il expédia quatre autres dagues sur le tueur. Tephanis esquiva en lançant sa cape devant les lames qui volaient dans les airs et en la récupérant d'une main adroite. Une dague heurta le sol, la deuxième survol la tête de l'humain, le ratant d'un cheveu, et les deux dernières finirent leur course empêtrée dans la cape. Tephanis continua d'agiter sa cape, mais celle-ci avait cessé de voleter autour de lui, puisqu'elle était alourdi par le poids des deux dagues.

-Ce n'est peut être pas un si bon bouclier, en définitive.

-Trêve de parlottes ! On se bat mal quand on jacasse.

-Je bavarde parce que j'adore ces duels, mon vif ami !

Jarlax lança une nouvelle dague mais l'humain passa à l'attaque. Bras tendu pour éviter de se prendre les jambes dans la cape, il se lança dans une roulade avant, en direction du démon, réduisant la distance qui les séparait en un clin d'œil. Jarlax lança une nouvelle lame. Elle frôla la dos de Tephanis, mais le démon fit glisser hors de son étui magique la dague suivante et, d'une torsion de poignet ponctuée d'un mot de pouvoir, la transforma en épée. Quand Tephanis se redressa devant Jarlax, lame pointé, le démon était déjà en garde. Épaules voûtées, Tephanis fit claquer sa cape pour faucher les jambes de son adversaire, qui esquiva, en bondissant presque hors de portée. Mais une dague sur le sol le fit trébucher. Si Jarlax avait pour lui l'incroyable agilité de son espèce, Tephanis était tout sauf gauche. Il se fendit. Le démon para aussitôt, sa lame déviant le coup de Tephanis. A la surprise de Jarlax, le tueur lui arracha son épée. Jarlax comprit rapidement la manœuvre, cependant, car Tephanis tendit sa main désormais libre, saisit l'avant-bras du démon et écarta son arme hors de portée. Il brandit alors de la main gauche sa fameuse dague sertie de joyaux. Tephanis avait l'ouverture et la possibilité de frapper. Jarlax n'aurait pas pu esquiver ou parer à temps. Mais un désespoir profond et un sentiment aigu d'impuissance envahirent le tueur. Comme si un intrus venait de plonger dans sa cervelle pour geler tout ses réflexes. Jarlax profita de ce moment de faiblesse pour frapper l'humain au ventre et se dégager. Soumis au flot d'émotions discordantes qui le paralysait, Tephanis recula en titubant. L'instant suivant, le phénomène dissipé, il reprit ses esprits. Et se retrouva assis au pied du mur, à l'autre bout de la salle. Campé devant lui, Jarlax souriait. Les yeux fermés, le tueur chassa les derniers lambeaux de son malaise. Encore un coup de Ray, certainement. Le magicien démon avait lancé un sort de peau de pierre sur Tephanis et Jarlax afin qu'il puissent s'entrainer à fond, sans danger de se blesser. Pourtant, Tephanis eut beau fouiller la salle du regard, Ray n'était nulle part visible. Dans ce cas, Jarlax avait dû sortir un autre tour de son inépuisable sac malice. A moins qu'il ait tout bêtement recouru à sa dernière acquisition, le puissant Shinibon, pour briser la concentration de Tephanis.

-T'es réflexes ont bien diminué, mon ami. Dommage...Une chance que tu aies déjà vaincu ton ennemi juré, car Den, lui, est loin d'approcher de l'âge mûr.

Tephanis grommela dans sa barbe, bien qu'en vérité cette idée lui soit venue à l'esprit. Sa vie entière, il aait cherché la perfection, suivant n entraînement rigoureux. Même aujourd'hui, il restait certain de pouvoir défaire n'importe quel ennemi. Par le talent, la ruse ou le choix judicieux du terrain. Quoi qu'il en soit, Tephanis ne voulait pas baisser dans sa propre estime. Il ne renoncerait pas de sitôt à sa brillante existence. Cela dit; Comment nier les faits ? Jarlax avait raison. En vérité, si Kin n'était pas intervenu avec ses pouvoirs mentaux, Den aurait été déclaré vainqueur. Au fond, Tephanis avait perdu.

-Tu ne m'as pas battu de vitesse !

Lança-t-il en secouant la tête. Front plissé, ses yeux lançant des éclairs, le démon se rapprocha. Son visage trahissait rarement es émotions. Sa cape écartée, Jarlax exhiba le morceau de cristal qui dépassait de sa poche.

-N'oublie jamais ça ! Sans lui, je te vaincrais encore, même si tu es doué, mon ami. Meilleur que n'importe quel humain de ma connaissance... Mais tu restes un simple mortel. Uni à Shinibon, je pourrais te détruire d'une pensée. Ne l'oublie pas !

Regard baissé, Tephanis digéra l'information et grava la scène dans sa mémoire. Surtout l'expression inhabituelle du démon, par ailleurs toujours souriant. Quand il releva les yeux, Jarlax était redevenu lui-même, avec son sourire en coin si caractéristique qui laissait à penser qu'il en savait bien plus qu'il le laissait paraître. Revoir le démon détendu rappela à Tephanis la nouveauté de ces duels amicaux. D'ordinaire, le démon n'acceptait aucun partenaire. Quand il avait informé Ray qu'il choisissait l'humain pour s'entraîner sur des bases régulières, le magiciens avait été stupéfait. Tephanis comprenait trop bien la logique qui sous-tendait cet amour du mystère, même avec le plus proche entourage. Jarlax y avait tout intérêt pour assurer sa survie. Personne n'arrivait à le cerner. Il s'y entendait à déstabiliser ses alliés comme ses adversaires. A les garder dans l'expectative. Et voilà qu'il se dévoilait à Tephanis Aukrion !

-Ces dagues étaient de simples illusions...

-Dans ton esprit peut-être.

-Elles l'étaient ! Comment aurais-tu pu en porter autant, même par magie ? Et quelle sorcellerie aurait pu en créer à cette vitesse-là ?

-Comme tu voudras. Mais tu les as entendues percuter ta lame et tu as senti leur poids quand tu as eu ta cape trouée.

-J'ai cru les entendre...,rectifia Tephanis en se demandant s'il avait enfin trouvé une faille dans l'incessant petit jeu de devinettes du démon.

-N'est-ce pas la même chose ?

Riposta le démon en gloussant. Un gloussement sinistre, aux oreilles de Taphanis. Il leva sa cape, constatan que des lames bien réelles y restaient fichées.

-Certaines étaient des illusions, alors.

Soupira-t-il sans conviction. Toujours réticent à se livrer, Jarlax haussa les épaules. Exaspéré, le tueur soupira et s'apprêta à sortir.

-Garde à l'esprit, mon ami, qu'une illusion pourra toujours te tuer, si tu es convaincu de son existence.

Tephanis lui lança un regard maussade. Il ne goûtait guère les avertissements. Mais Jarlax ne menaçait jamais en vain.

-La réalité aussi, que tu y croies ou pas !

Riposta l'humain en sortant. Frustré et intrigué, Tephanis s'éloigna en secouant la tête. Pourquoi diable appréciait-il tant les manières énigmatiques du démon ?
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMar 11 Aoû - 20:00

-Le Voilà !

Lança par signes Kim à ses deux compagnons. Ray et Baenre étaient les toutes dernières recrues de Bregan à la surface du monde. Fils favori de la première maison, Baenre avait eu tout l'enfer pour terrain de jeu, du moins, un territoire aussi vaste qu'un démon mâle ne pouvait espérer. Hélas, sa mère, la puissante matrone, avait lancé une offensive désastreuse contre un royaume voisin. L'assaut s 'était soldé par sa mort. Et l'illustre mégalopole démoniaque avait été plongée dans le chaos. En ces temps troublés, Baenre avait choisi de se rapprocher de Jarlax et de sa fameuse compagnie de démon, Bregan. Figurant parmi les combattants les plus doués de sa génération, le rejeton favori de la toujours puissante maison avait été accueilli à bras ouverts et vite promu au grade de premier lieutenant. En rien subordonné à Ray ou à Kim, Beanre, qui était leur pair, participait à une mission d'instruction. Il étudia l'humaine désignée par Kim, une catin, à en juger par sa tenue.

-Tu as lu ses pensées ?

Demanda Ray en formant d'étranges motifs à l'aide de ses doigts, donnant ainsi du sens à ses diverses expressions et aux mimiques qu'il interprétait avec son magnifique visage démoniaque aux traits anguleux.

-C'est une espionne. La coordinatrice du groupe...Tous passent à proximité en lui communiquant leurs trouvailles.

Mal à l'aise devant les révélations de l'étrange démons, Baenre se dandina nerveusement. Et espéra que Kim ne lisait pas aussi ses pensées. Car, en cet instant précis, il se demandait comment Jarlax pouvait se sentir en sécurité avec un tel personnage. Kim semblait déchiffrer les pensées comme on respire. Amusé, Baenre toussota en songeant que le chef des démons avait dû prendre ses précautions. Mais si une parade existait contre ce genre de télépathes, Baenre la ferait également sienne.

-Savons-nous où les autres pourraient être ? Demanda-t-il par signes.

-De quoi aurions-nous l'air sinon ? Riposta Ray avec un sourire carnassier. La fête ne serait pas complète...

Les trois autres démons affichèrent aussitôt un air entendu. Adoptant une respiration lente, Kim ferma les yeux et se concentra. D'une de ses nombreuses bourses, Ray tira un cil préservé dans de la gomme arabique et se tourna vers Baenre pour lancer son premier sortilège. Comme n'importe qui se trouvant dans le collimateur d'un psionique démon, Baenre sursauta. Et devint invisible. Ray se concentra ensuite pour paralyser mentalement la cible. Mais la femme s'arracha à sa transe et jeta des regards nerveux à la ronde, soudain sur ses gardes. Irrité, Ray revint à la charge, sous le regard moqueur de Baenre, l'invisibilité avait ses bons cotés ! Continuellement, le magicien rabaissait le genre humain qu'il tenait pour un ramassis de charognards. Étonné de tomber sur un spécimen qui lui résiste, ce qui n'était pas tache aisée, il ne fut pas pour autant pris au dépourvu. Mais, remarqua Baenre, le fougueux magicien avait préparé plus d'un sort. Si sa cible n'avait pas résisté, un seul se serait révélé suffisant. Cette fis, la récalcitrante, qui faisait un pas en avant, se pétrifia. D'un geste et d'une pensée, Kim lança l'opération. Entre les trois démons et l'humaine, les barrières mentales s'évanouirent. Et la femme, qui était pourtant toujours immobilisée dabs la rue, fut brusquement transportée tout près du trio. Baenre bondit pour l'attirer dans l'espace extra-dimensionnel, que Kim referma sur leur proie. Tout s'était passé si vite que d'éventuels témoins de la scène auraient juré que la putain venait de se volatiliser. Une main fine et délicate posée sur le front de sa victime, le psionique lui imposa une fusion mentale. Son corps figé par le sort de Ray, l'espionne avait pourtant parfaitement conscience de ce qui lui arrivait. Et Kim savoura sa terreur avant de passer à l'action. Il lui communiqua son énergie mentale et, fort de la technique qu'il avait développée lors du duel opposant Tephanis à Den, il dota sa proie d'une armure d'énergie cinétique. Puis il hocha la tête. Redevenu instantanément visible du fait de son offensive, Baenre joua de l'épée pour ouvrir la gorge de l'humaine, la lardant de coups. Il croisa même ses deux lames, un simulacre de décapitation. Rien n'y fit. Pas une goutte de sang, pas un cri, pas une plainte. L'armure de kim absorbait tous les coups, accumulant la formidable énergie de la danse guerrière. Après quelques minutes, Ray prévint ses compagnons que la stase allait prendre fin. Baenre recula. Kim ferma les yeux. Le magicien fit une incantation et sortit de sa poche une petite boule de guano de chauve-souris qui sentait le soufre. Sous le sourire amusé de ses compagnons, Kim et Baenre, il l'introduisit dans la bouche de l'espionne. Avec une vive lueur qui illumina la luette de l'humaine, la boule ensorcelée passa dans l'œsophage. Kim ouvrit un deuxième portail dimensionnel à l'ombre de l'allée où l'enlèvement avait eu lieu. Ray y poussa l'espionne et le psionique referma le portail. La victime tenta d'appeler au secours mais sa brûlure à la gorge la fit tousser. Une horreur indicible déformé ses traits.

-Elle sent l'énergie de la barrière cinétique, commenta Kim. Sa propre volonté doit se mobiliser pour empêcher sa libération.

-Combien de temps ? Demanda Ray.

Se contentant de sourire, Kim lui fit signe d'observer la scène et de savourer le spectacle. La femme se mit à courir. Les trois démons remarquèrent d'autres personnes qui se déplaçaient autour d'elle, certaines s'approchant précautionneusement, des espions probablement, d'autres paraissant simplement curieuses. Certaines, alarmées, s'écartèrent d'elle. Elle luttait vainement pour crier, les yeux écarquillés par l'épouvante, mais sa gorge continuait à la brûler horriblement. Une énergie inouïe l'habitait, tout près d'exploser. Comment la libérer sans y perdre la vie ? L'espionne n'en avait aucune idée. Elle ne pouvait pas préserver la barrière cinétique. Le comprendre parut la plonger dans la perplexité. Avec une brutalité hallucinante, les blessures correspondant à tous les coups qu'avait portés Baenre se matérialisèrent. Les estocades, les entailles. Pour les témoins de la scène, la femme s'écroula et se vida de son sang sans raison apparente. Inexplicablement, elle avait le visage, la tête et la poitrine lardé de coups. Elle s'effondra presque aussitôt. Avant que qui que ce soit puisse réagir, soit pour fuir, soit pour lui venir en aide, le dernier sortilège de Ray se déclencha : Une boule de feu à retardement, embrassant la femme qui venait de succomber à ses blessures et ceux qui se trouvaient à proximité d'elle. Les autres, les innocents badauds comme les complices affichèrent tous la même expression horrifiée face au corps calciné. Pour la plus grande joie des trois démons. Un coup fumant ! Baenre y vit autre chose : un appel à la plus grande prudence face aux lieutenants de Jarlax. Même à l'aune des standards démons sur la torture et le meurtre, ces deux-là étaient vraiment les maîtres en la matière.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMar 11 Aoû - 20:10

Orok le Rogue avait retrouvé sa vielle chambre. Et son nom. Contrairement à leurs assertions, les autorités de Luss n’avaient pas la mémoire longue. L’année précédente, il s’était vu accuser d’une tentative d’assassinat sur la personne de l’honorable capitaine Deuder du Medinor des cieux, un célèbre chasseur de bandits. A Luss, l’accusation et la condamnation étant quasiment la même chose, Orok avait failli subir la peine de mort à l’occasion de l’atroce spectacle du Carnaval du Prisonnier. Supplicié en place publique, il était sur le point d’expirer quand le capitaine, horrifié, lui avait offert son pardon. Pardon ou non, Orok ne devait plus reparaître à Luss sous peine d’être exécuté. L’année d’après, bien sûr, il y était retourné. Sous l’identité d’emprunt, d’abord. Mais très vite, le naturel était revenu au galop. Il avait reprit ses habitudes, renoué avec ses louches accointances, récupéré son appartement et enfin son nom à la solide réputation. Les autorités le savaient. Mais elles avaient manifestement d’autres chats à fouetter, d’autres malfaiteurs à torturer à mort. Elles ne se soucièrent donc pas de lui. Avec le recul, Orok repensait avec amusement à sa mésaventure. Quelle ironie ! Etre châtier pour un délit qu’il n’avait pas commis, alors qu’il dû être condamné à juste titre pour bien des crimes. Mais tout ça était du passé. Un tourbillon d’intrigues et de dangers qui portait le nom de Woulf. Il redevenait Orok le Rogue, et tout rentrait dans l’ordre. Ou presque. Un autre épisode éprouvant et terrifiant était survenu dans sa vie. Avec des regards nerveux à la ronde pour s’assurer qu’il était seul, il se plaqua tout près de la porte, histoire de cacher ses gestes à d’éventuels observateurs invisibles, et entreprit de désactiver la dizaine de pièges mortels disposés des deux côtés du chambranle, de haut en bas. Muni d’un trousseau de clés, il ouvrit ensuite trois serrures, désarma un autre mécanisme, explosif, celui là, poussa la porte, entra, la referma et réactiva les sécurités. Le tout lui prit plus de dix minutes. Mais chaque fois qu’il revenait chez lui, il respectait scrupuleusement ce rituel. Sans crier gare, les démons étaient rentrés dans sa vie, lui promettant monts et merveilles s’il exécutait leurs besognes. Lui donnant aussi à voir ce qui l’attendait s’il les décevait. D’un coup d’œil, il s’assura que l’orbe était toujours à sa place, dans le vase qui trônait sur un guéridon du vestibule. Un vase enduit d’un poison agissant par simple contact, et faisant pression sur un mécanisme mortel à ressort. Orok avait payé la peau des fesses pour l’acquérir. L’investissement représentait une année de larcins et de cambriolages. Mais à ses yeux, l’orbe valait son pesant d’or à son puissant anti-portail dimensionnel. Aucun magicien ne pourrait plus s’introduire dans les lieux par un sort de téléportation. Orok le Rogue ne voulait plus jamais être réveillé par un démon se tenant à coté de son lit, penché sur lui. Serrures verrouillées, orbe en place, tout paraissait normal. Pourtant, il sentit sa nuque se hérisser. Un signal subtil, une brise intangible qui lui signalait que quelque chose ne se trouvait pas à sa place habituelle. Il regarda autour de lui, sonda les ombres, examina les plis des rideau, devant une fenêtre murée par ses soins, et des tentures, puis son lit à la tenue impeccable avec les draps et les couvertures tirés sans un faux pli et méticuleusement glissés sous le matelas afin de laisser le plancher, dessous, parfaitement visible. Orok se pencha légèrement et regarda sous le lit. Personne ne s’y cachait. Les tentures, alors ? Prudent, Orok adopta une approche détournée afin de ne pas pousser l’intrus dans ses retranchements. Puis il attaqua d’un mouvement vif, dague brandie. Peine perdue. Les tentures cartées, il constata qu’il n’y avait personne. Amusé par sa paranoïa, il rit, soulagé. Comme son univers avait changé depuis l’intrusion des démons, il vivait sur les nerfs. Depuis l’arrivée de Woulf en ville, il avait vu les démons à peine cinq fois. Pour des raisons qui lui échappaient, ceux-ci voulaient qu’il garde un œil sur le guerrier. Malgré sa nervosité constante, il se rappela tout ce que cette alliance pourrait lui rapporter sur le plan financier. D’après ce qu’il avait pu glaner, il était redevenu Orok le Rogue après la visite d’un lieutenant de Jarlax chez un grand ponte de la ville. Lâchant les rideaux, il soupira, et se tétanisa de frayeur, une main plaquée sur sa bouche, la fine lame ‘un couteau lui frôlant la gorge.

-Vous avez les joyaux ?

Lui chuchota une voix à l’oreille. Il y avait, dans ce murmure, une force et un calme étonnants. L’agresseur fit passer ses doigts de la bouche d’Orok à son front pour lui incliner la tête en arrière. Et lui rappeler la vulnérabilité de sa position. Orok ne répondit pas. Comment renverser la situation à son avantage ? La fuite était l’une des possibilités les moins probables qui s’offraient à lui. Le gaillard, musclé, maintenait le couteau contre sa gorge d’une main beaucoup trop ferme. Quoi qu’il en soit, Orok comprit aussitôt qu’il n’avait pas la moindre chance de lui échapper.

-Alors, ces bijoux ? Je fatigue…, chuchota de nouveau la voix.

-Vous n’êtes pas un démon, répondit Orok, cherchant autant à gagner du temps qu’à s’assurer que cet homme, et il savait qu’il s’agissait d’un homme et certainement pas d’un démon, n’agirait pas inconsidérément.

-Peut être le suis-je, sous mon déguisement magique d’humain…, répondit l’assaillant. Mais c’est impossible, puisqu’il y a le champ de force anti-sorcellerie dans cette pièce…

L’intrus le repoussa alors violemment et le saisit par l’épaule pour le forcer à se tourner vers lui. Orok constata que l’homme lui était inconnu, mais il comprit qu’il n’en était pas moins en danger. Il baissa fugitivement les yeux sur sa dague, une arme aussi pathétique que lui, comparée à la lame magnifique de son agresseur, avec une garde incrustée de joyaux. Il n’y avait pas à s’y tromper. A Luss, la capitale des voleurs,Orok le Rogue soutenait aisément la comparaison avec n’importe lequel de ses confrères. Dans les bas-fonds de la ville, même s’il y était souvent allé à l’esbroufe, il avait mérité sa réputation. Mais l’homme qui se tenait devant lui, affichait un sang-froid exceptionnel. Malgré toutes les précautions d’Orok, il s’était introduit dans les lieux, s’y cachant à merveille. Le Rogue s’avisa que les draps étaient froissés. Ne venait-t il pas de les voir impeccablement lisses ?

-Vous n’êtes pas un démon ! Osa répéter Orok.

-Tous les agents de Jarlax le sont-ils forcément, Orok le Rogue ? répondit l’homme.

Hochant la tête, Orok rangea sa dague dans l’étui qu’il portait à son ceinturon, une tentative désespérée d’alléger la tension.

-Les bijoux ? Demanda de nouveau l’intrus.

Le rogue trahit son affolement.

-Vous devriez les avoir acquis auprès de Burgher, lui fit remarquer l’homme.

-La voie aurait été dégagée, rectifia Orok, sans un petit magistrat rancunier…

L’intrus ne manifesta ni curiosité ni colère, rien de nature à indiquer qu’il était intéressé par les excuses de Morik.

-Burgher est prêt à me les vendre au prix convenu, se hâta d’enchaîner le Rogue. Il avait simplement peur d’être inquiété par le magistrat Jhark. Ce vieux hibou a la mémoire longue. Il me sait de retour en ville et entend me traîner de nouveau au Carnaval du Prisonnier. Par chance, ses supérieurs s’y opposent. Vous remercierez Jarlax pour moi.

-Vous le remercierez en faisant ce qu’on vous dit, riposta l’homme. Il vous aide pour que remplissiez ses coffres, pas pour que vous l’accabliez de bons sentiments.

-J’ai peur de m’attaquer à Jhark, expliqua-t-il. Jusqu’où puis-je aller sans encourir les foudres des hautes autorités de Luss ? Et donc, sans ruiner les investissements de Jarlax ? Car il a beaucoup misé sur moi.

-Jhark n’est pas un problème, répondit l’inconnu avec tant d’assurance dans la voix qu’Orok en fut aussitôt persuadé. Achevez la transaction.

-Mais…

-Cette nuit.

Se détournant, l’intrus gagna la porte, et sous l’œil du Rogue, décrivit devant ka porte d’étranges arabesques pour déjouer tous les pièges et lever les verrous. Là où il avait fallu à Orok plusieurs minutes, de clés réputées impossibles et une connaissance approfondie des mécanismes, il suffit de quelques secondes, et de ses mains nues, au visiteur. Qui se retourna pour jeter quelque chose, aux pieds du voleur médusé. Un ressort.

-Celui du piège du bas était trop relâché pour servir encore, expliqua l’homme. Je l’ai remplacé.

Sur ces mots, l’homme sortit et referma derrière lui. Des cliquetis ponctuèrent la réactivation expresse de toutes les sécurités. A pas prudents, Orok approcha de son lit, puis tira sèchement les couvertures. Le trou pratiqué dans les matelas était de la taille d’un homme. Il éclata de rire malgré lui. Et Jarlax monta encore de plusieurs crans dans son estime. Inutile de retourner devant le vase piégé pour constater que l’orbe d’origine, remplacé par un faux, venait de passer la porte avec le visiteur.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMar 11 Aoû - 20:19

Sous le soleil de la fin d’après-midi, Tephanis cilla. Une main enfoncée dans sa poche, il palpa l’orbe ensorcelé qu’il venait de voler à Orok et qui avait tant frustré Ray. Les déconvenues du magicien enchantaient Tephanis. Il n’avait fallu pas loin d’une dizaine de jours à Bregan pour comprendre le problème, la résidence d’Orok étant devenue inaccessible aux magiciens. Cette seule pensée amusa Tephanis. Bregan avait mis autant de temps pour comprendre la raison pour laquelle Orok paraissait si loin et comment cet homme était parvenu à empêcher les magiciens de fureter dans sa chambre. Voila pourquoi Tephanis avait été envoyé à Luss. Il ne se faisait aucune illusion, il n’avait pas fait le voyage pour ses talent de voleur, mais simplement parce que les démons ignoraient à quel point Orok leur résisterait, et parce qu’il n’avaient pas souhaité risquer la vie de l’un de leurs congénères dans cette mission. Certes, Jarlax ne serait pas ravi d’apprendre que Ray et Kim avaient forcé l’humain à retourner enquêter, mais ces deux-là savaient qu’il n’irait pas s’en plaindre. Le tueur avait donc joué les pigeons voyageurs pour les deux redoutables démons. Ses instructions, à propos de l’orbe étaient limpides. Il devait placer l’objet à l’écart puis émettre le sifflement magique convenu pour rentrer en contact avec les démons de Portocal. Bien sûr, Tephanis n’était pas pressé. Il savait qu’il aurait dû tuer Orok, tant pour son impertinence que pour son échec avec les joyaux. Bien entendu, Ray et Kim exigeaient l’exécution du rustre. Comment justifier sa clémence envers le Rogue ? Pour y avoir souvent séjourné, Tephanis connaissait Luss comme sa poche. Il venait précisément d’en revenir après une longue visite. Avec d’autres agents démons, il avait découvert la vérité sur l’orbe anti-magie d’Orok. Au hasard de ses déambulations, il entendit des cris et des clameurs féroces. Le Carnaval du Prisonnier. Guidé par le brouhaha, il arriva sur la place à l’instant où le bourreau arrachait lentement les intestins du supplicié du jour, les déroulant sous les yeux de la foule comme de la corde blanche. Tephanis jeta à peine un coup d’œil au spectacle et préféra étudier le magistrat de petite taille aux traits anguleux qui continuait à vociférer à l’oreille du malheureux, exigeant qu’il livre les noms de ses complices.

-Ne gâchez pas toutes vos chances de monter au ciel ! Rachetez-vous avant qu’il ne soit trop tard !

Hurla le magistrat d’une voix aiguë au supplicié, qui hurlait de douleur, incapable de comprendre encore ce qu’on lui disait. Il expira. Le spectacle terminé, la place se vida. Les citadins souriaient en parlant avec excitation de Jhark et de ses belles exécutions publiques. C’était tout ce que Tephanis voulait savoir. Se coulant d’ombre en ombre, il suivit le magistrat jusqu’à la tour proche qui abritait, outre les quartiers des dignitaires préposés au Carnaval du Prisonnier, les donjons où croupissaient es condamnés à mort, les prochains héros de la fête. Tephanis se félicita de détenir l’orbe qui lui assurait une protection enviable face aux magiciens chargés de la défense de la tour. Restait à déjouer la surveillance des sentinelles et les pièges mécaniques. Tephanis se gaussait des unes comme des autres. Alors que le soleil sombrait à l’horizon, le tueur pénétra dans la tour.

-Ils ont trop d’alliés ! Insista Ray.

-Qui se volatiliseront sans laisser de trace, répondit Jarlax avec un grand sourire. Envolés…

Le magicien maugréa en secouant la tête. Calé dans un fauteuil moelleux, une jambe sur un accoudoir, Kim roula des yeux au plafond.

-Vous continuez à douter de moi ? Lança Jarlax d’un ton léger et innocent où ne perçait aucune menace. Considérez plutôt tout ce que nous avons accompli ici, à Portocal, et à la surface du monde. Nous disposons maintenant d’agents implantés dans les villes de premier plan, notamment Profondeau.

-Nous mettons en place ce réseau, souligna Ray. Pour l’instant, seul le petit Orok de Luss est à notre solde…Enfin, peut-être…, ajouta-t-il avec un sourire à l’attention de Kim. Qui gloussa à la pensée du second agent affecté à Luss, l’humain qui avait quitté Portocal à l’insu de Jarlax.

-Nous parlons de contacts, en réalité, continua Ray. Certains sont prometteurs, d’autres beaucoup moins. Quoi qu’il en soit, aucun ne mérite encore le rang d’agent.

-Ca ne saurait tarder, assura Jarlax. Ils deviendront des partenaires très satisfaisants ou seront vite remplacés…Avec un vivier d’humains féconds et cupides où puiser, ce sera franchement le cadet de nos soucis. A Portocal…Regardez bien autour de vous ! Doutez-vous encore de notre sagesse à venir nous y installer ? Les bijoux coulent à flots ! Un rêve pour nos concitoyens aux richesses limitées.

-Si les dynasties de Nasad considèrent que nous menaçons leur économie, nous aurons tout gagné ! Railla Ray, lui-même originaire de Nasad.

Jarlax Balaya l’argument d’un revers de la main.

-Je ne nie pas tous les profits à faire dans une grande agglomération comme Portocal, continua le magicien, mais quand nous avons décidé de tenter l’aventure à la surface du monde, nous étions convenus d’un seul et même objectif : amasser une fortune au plus vite. Puis retourner au bercail sans tarder, en laissant éventuellement sur place les meilleurs de nos agents et de nos contacts.

-Il fallait réviser nos plans, et je l’ai fait, répondit Jarlax. Il me paraît évident que nous avions sous-estimé le potentiel de nos opérations de surface. Je le redis, vive le développement !

Ses lieutenants firent grise mine. Apparemment réfractaire à tout débat, Kim continuait à fixer le plafond, comme s’il opposait un rejet catégorique à la proposition de Jarlax.

-Les Ratisseurs désirent que nous limitions nos actions à ce secteur, rappela Jarlax. Mais beaucoup de biens exotiques, susceptibles de provoquer une forte demande, n’appartiennent pas au secteur en question…

-Alors passons un accord avec les Ratisseurs, offrons-leur un pourcentage des gains sur ce nouveau marché qui leur est inaccessible, proposa Ray.

Une suggestion parfaitement raisonnable à la lumière de l’histoire de Bregan, la compagnie d’aventurier qui avait fait sienne l’expression ‘prendre des bénéfices mutuels’. Jarlax écarta le pouce et l’index avant de les presser l’un sur l’autre comme pour éliminer une tache.

-Ce sont des boutons…Une poussée de fièvre amenée à disparaître.

-Ce n’est pas aussi simple que vous semblez le croire ! Lança une voix féminine.

Vêtue d’une robe fendue assez haut pour dévoiler une jambe au galbe parfait, Sharlot Vespyr apparut dans l’encadrement de la porte.

-Les Ratisseurs s’enorgueillit de leur réseau étendu. Vous pourriez détruire tous leurs repaires, abattre leurs agents connus et jusqu’à leurs partenaires que vous laisseriez encre de nombreux témoins…

-Qui feraient quoi ? Demanda Jarlax en souriant et en invitant la nouvelle venue à s’asseoir près de lui, sur son siège.

Ce qu’elle fit avec l’aisance de la familiarité. A cette vue, Ray jeta un autre coup d’œil à Kim. Tous les deux savaient que leur chef couchait avec l’humaine. Et ils n’appréciaient guère. Sharlot, une survivante, comme Tephanis, du vieux clan Basadoni, était rouée au possible, presque assez pour ne pas faire tache parmi des démons. Après avoir appris leur langue, elle s’exerçait au complexe langage des signes. Ray la trouvait parfaitement répugnante. S’il la considérait plutôt comme un petit animal exotique, Kim n’aimait pas la voir chuchoter des suggestions à l’oreille de son amant. En l’occurrence, il leur parut à tous les deux que Sharlot était de leur avis, ils ne s’avisèrent donc pas de l’interrompre, comme ils en avaient pris l’habitude.

-Des témoins, continua la jeune femme, qui avertiraient les autres clans et les autorités du Calim. L’élimination des Ratisseurs trahirait la présence d’une grande puissance tapie dans l’ombre de Portocal.

Jarlax sourit.

-Une grande puissance, en effet.

-Oui, mais dont la première force réside dans le secret, souligna Sharlot.

Il la repoussa du siège. Elle dut à ses réflexes de ne pas atterrir sur son néant. Il la bouscula encore, comme si son avis lui importait peu, en se levant pour se rapprocher de ses lieutenants.

-J’envisageais le rôle de Bregan à la surface comme de l’import-export. Et c’est chose faite. Maintenant, je vois clair dans les sociétés dominées par les hommes…Leur faiblesse saute au yeux ! Nous pouvons aller plus loin. Nous le devons !

-Une conquête ? Grogna Ray, ironique.

-Pas du style de Mithral, précisa Jarlax, enthousiaste. Plutôt une…assimilation. Pour ceux qui joueront le jeu…, poursuivit-il en affichant un sourire malicieux.

-Et ceux qui refuseront de disparaître ? Railla le magicien.

Décidément, l’ironie de Ray semblait voler au dessus de Jarlax, qui sourit de plus belle.

-N’avez-vous pas exécuté l’autre jour une espionne des Ratisseurs ?

-Entre défendre nos secrets et repousser les limites de notre champ d’action, il y a un monde ! Riposta le magicien.

-Simple question de sémantique, fit le chef des démons, amusé.

Derrière lui, se mordillant les lèvres, Sharlot Vespyr secoua la tête, affligée. Avec ce style de politique expansionniste éminemment dangereuse, ses nouveaux bienfaiteurs semblaient sur le point de se ramasser en beauté.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMar 11 Aoû - 20:25

Dans une allée, Tephanis écoutait les cris venus de la tour, attentif à la confusion qui y régnait. En s’y infiltrant, il avait d’abord foncé aux sous-sols pour libérer un prisonnier fort discourtois. Une fois le bourge emmené en relative sécurité, du côté des tunnels ouverts au fond des cachots, il était revenu au rez-de-chaussée, était monté au premier et avait facilement trouvé l’appartement de Jhark, dans un des couloirs chichement éclairés à la torche. La porte n’était pas verrouillée. Si Tephanis n’avait pas été témoin de la cruauté du magistrat, tantôt, il aurait pu tenter de le raisonner à propos d’Orok. Maintenant, plus rien ne s’opposerait à ce que le Rogue mène la transaction à bien. Le prisonnier en fuite, le coupable idéal du meurtre de Jhark, avait-il déjà été repris par la garde ? Le bougre allait en baver. Imperméable aux remords, Tephanis sourit. Après tout, le sombre idiot n’aurait pas volé son sort. Voir un inconnu prendre tous les risques pour venir le libérer au fond de sa geôle puante et le pousser vers la sortie ne l’avait pas étonné, l’imbécile ! Il n’avait même pas posé de questions à son ‘sauveur’ lorsque ce dernier l’avait libéré de ses fers. Il aurait dû tenter d’assommer Tephanis et de l’enchaîner à sa place, s’il avait été assez malin pour mériter de survivre. Tant de prisonniers promis au bourreau se succédaient dans les cachots que les geôliers n’y auraient sans doute vu que du feu. Bref, le destin du malfaisant était scellé. Aux yeux de Tephanis, il ne pouvait s’en prendre qu’a lui-même. Naturellement, il clamerait qu’on était venu le libérer pour lui faire porter le chapeau dans cette sombre affaire de crime. Il s’égosillerait longtemps. Le Carnaval du Prisonnier se moquait éperdument de ce genre d’histoire à dormir debout. Tephanis Aukrion aussi. Son bouc émissaire déjà oublié, Tephani s’assura qu’il était seul avant de poser l’orbe sur le bas-côté de l’allée, et de s’écarter et de siffler, sans grande conviction. Il se demanda alors comment il allait le faire fonctionner. Il lui faudrait un tour e magie pour regagner le lointain Portocal ; Or, comment faire sil devait rapporter l’orbe ? L’objet ensorcelé ne déjouerait-il pas toute tentative de téléportation ? Un écran de lumière bleue se matérialisa à côté de lui. Un portail magique ; Il ne s’agissait pas de l’œuvre de Ray, mais plutôt de Kim, cette fois. C’était donc cela, s’amusa-t-il. L’orbe était sans doute inopérant contre les psioniques. Pourtant, Tephanis eut un doute. Et cela suffit à l’ébranler profondément tandis qu’il s’apprêtait à s’en emparer. Qu’arriverait-t-il si, contre toute attente, l’orbe affectait la distorsion dimensionnelle de Kim ? Tephanis se retrouverait-il au mauvais endroit, voire dans un autre plan d’existence ? Il chassa son inquiétude. Orbes magiques ou pas, la vie devenait un exercice éminemment périlleux, aux contact des démons. Autant en prendre son parti. Il prit soin d’enfouir sournoisement l’orbe au fond de sa poche. D’éventuels observateurs auraient du mal à distinguer des mouvements, dans cette allée si sombre. Respirant à fond, Tephanis avança, franchit le portail. Et manqua tituber, luttant pour conserver l’équilibre, dans l’une des salles secrètes du clan, à Portocal, à des centaines et des centaines de kilomètres de là. Il se retrouva face à Kim et à Ray, qui le regardèrent attentivement.

-Les bijoux ? Lança Ray en démoniaque.

Le tueur parlait la langue des démons,à peu près.

-Bientôt…, répondit-il dans un démoniaque hésitant. Il y a eu un problème.

De surprise, Kim et le magicien haussèrent leurs fins sourcils blancs.

-Il y a eu, répéta Tephanis. Orok aura bientôt les bijoux.

-Alors il vit toujours, grogna Kim. Et pour avoir tenté de se dissimuler ?

-Il s’agissait surtout des manœuvres mal inspirées de magistrats locaux visant à le préserver de toute influence extérieure…, mentit Tephanis avec aplomb. D’un magistrat en particulier, rectifia-t-il aussitôt en voyant leurs mines revêches. J’ai remédié au problème.

Si les démons ne parurent guère s’en réjouir, ils n’élevèrent pas d’objections.

-Et le magistrat en question avait scellé par magie l’appartement d’Orok ? Insista néanmoins Ray.

-La question est résolue…

-Et l’orbe ? Lança Kim.

-Orok se l’était procuré, rappela Ray, le front plissé.

-Apparemment, il en ignorait les propriétés, répondit calmement Tephanis.

Son subterfuge semblait fonctionner. Naturellement, les démons auraient toujours des doutes, soupçonnant le tueur de maquiller la vérité à ses propres fins. Mais en l’absence de tout indice ou incohérence dans sa version, ils s’abstiendraient de réagir. Histoire de ne pas s’attirer les foudres de Jarlax. Une fois de plus, constater que sa sécurité dépendait essentiellement du bon vouloir du chef des démons ne ravit pas Tephanis. Il détestait dépendre de qui ou de quoi que ce soit. Pour lui, dépendance rimait avec faiblesse. Il devait retourner la situation à son avantage. Ray tendit une main fine à la délicatesse trompeuse.

-Vous avez l’orbe.

-Il est mieux avec moi qu’avec vous, osa riposter le tueur.

Aussitôt, les deux démons se tendirent. Et Tephanis sentit l’orbe vibrer doucement au fond de sa poche. Il le palpa de ses doigts sensibles. C’était subtil, venant du cœur de l’objet ensorcelé. Le tueur fixa Kim qui, les yeux fermés, se concentrait. Alors, il comprit. L’orbe ne pouvait rien contre la formidable puissance mentale du psionique. Tephanis avait déjà été témoin de ce tour psionique. Puisant dans l’énergie de l’objet, Kim était entrain de l’exciter pour atteindre un seuil explosif. Tephanis caressa l’idée de lancer l’orbe à la dernière seconde au visage du démon. Comme il aurait adoré voir un des actes du misérable se retourner contre lui ! D’un geste, Kim rouvrit un portail dimensionnel sur la rue presque déserte. Un portail de la taille de l’orbe, pas d’un homme. Tephanis sentit l’énergie monter dangereusement. La vibration, au fond de sa poche, n’avait plus rien de subtil. Mais il continua à fixer Kim. De le défier en ne montrant aucune peur. En vérité, il ne s’agissait pas d’un duel de volontés. Tephanis avait une véritable bombe dans la poche ; s’il était pulvérisé par l’explosion, Kim qui se tenait assez loin de l’humain ne serait même pas éclaboussé par son sang. De nouveau, le tueur envisagea de lui lancer l’orbe à la dernière seconde. Mais la futilité de la tentative s’imposa à lui. Il suffirait à Kim de désactiver l’orbe aussi facilement qu’on mouche une torche enla plongeant dans de l’eau. Et Tephanis fournirait aux lieutenants de Jarlax le prétexte rêvé pour l’éliminer. Certes, le démon en serait fâché. Mais il ne dénierait jamais à Kim ou à Ray, le droit élémentaire de se défendre. Tephanis Aukrion n’était pas prêt pour un tel affrontement. Pas encore. Il jeta l’orbe dans le portail dimensionnel, presque à l’instant où il explosait. Le portail disparut aussitôt.

-Vous jouez à des jeux dangereux, observa Ray.

-Vous voulez plutôt parler de votre ami le démon…, répondit Tephanis.

-Je ne faisais pas allusion à l’orbe, précisa le magicien. Notre peuple dit volontiers qu’il est stupide d’envoyer un gosse faire le travail d’un guerrier. De même, confier la mission d’un démon à un humain est d’une idiotie crasse.

Le tueur ne trouva rien à répondre. Cette situation commençait à lui rappeler désagréablement son ’séjour’ forcé dans le pays des démons. Perdu au milieu de vingt millions de démons, si doué et brillant dans son domaine soit-il, il n’avait jamais pu se distinguer de la masse. Ray et Kim firent assaut d’insultes bien senties visant toutes Tephanis. Certaines étaient assez subtiles, d’autres franchement obscènes. Le tueur encaissa sans moufter. Qu’aurait-il pu riposter ? Il repensait à l’oasis Dallabad, à une épée et à un gantelet bien particuliers. Il supportait les railleries parce qu’il n’avait pas le choix. Pour l’instant.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMar 11 Aoû - 21:24

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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMer 12 Aoû - 20:08

A l’ombre du chambranle, curiosité piqué au vif, Tephanis écoutait un soliloque dont les tenants et les aboutissants, pour une grande part, lui échappaient. Pourtant, Jarlax parlait à une vitesse normale. En plus de sa maîtrise limitée du vocabulaire des démons, Tephanis était trop loin pour tout saisir. A un moment, le chef des démons parut vouloir convaincre quelqu’un, ralentissant légèrement son flot de paroles. Tephanis tendit encore l’oreille.

-Ils nous devanceront plus longtemps, car nous les battrons de vitesse. Oui, rue après rue, leur hégémonie sera battue en brèche…Une fois que nous serons unis, qui pourra encore se dresser conte nous ?

Une fois que nous serons unis ?se répéta le tueur, sidéré, afin de s’assurer qu’il avait correctement interprété ces paroles. Nous ? Jarlax ne parlait pas de son alliance avec lui, Tephanis. Ni même avec les survivants du clan Basadoni. Impossible ! Qu’étaient quelques humains, même doués, comparés à une force comme Bregan ? Jarlax aurait-il conclu d’autres alliances, à l’insu de Tephanis ? Un marché passé avec un pacha quelconque oui, mieux encore ? Le tueur tendit l’oreille de plus belle, à l’affût de noms de sayans, diable ou autres extraterrestres, peut être. Il frémit d’avance. Les sayans étaient trop prévisibles et féroces pour faire des alliés fiables. Ils agissaient en fonction de leurs seuls intérêts du moment, peu leur importait tout le reste. Les diables étaient plus prévisibles, trop. Dans leur conception pyramidale de l’autorité, ils devaient forcément se situer au sommet. Mais comparés aux extraterrestres, les diables et les sayans devenaient presque, fréquentables ! Tephanis se surpris à espérer entendre mentionner un diable quelconque, histoire d’être rassuré. Lors de son ‘interlude’ dans l’abîme, il avait été forcé de composer avec des extraterrestres, les incontournables Flagelleurs de la société Mentalise. A aucun prix il n’aurait voulu revoir un de ces horribles bipèdes â tête de pieuvre ! Il continua à écouter. Jarlax parut se calmer, confortablement calé au fond de son siège. Il continuait à marmonner des phases sans suite à propos de la chute imminente des Ratisseurs quand Tephanis fit son entrée.

-On est seuls ? Lança-t-il, en toute innocence. J’avais cru entendre des voix.

Soulagé, il constata que, ce jour-là, Jarlax ne portait pas son bandeau magique sur l’œil. L’éventualité d’une rencontre avec des Flagelleurs était donc à écarter. Le bendeau protégeait son porteur de la magie mentale. Or, nul au monde n’était supérieur en ce domaine aux terrifiants flagelleurs.

-Je procédais à une mise au point, répondit le démon. Il y a tant à faire.

-Et beaucoup de dangers à éviter.

-Pour certains…, gloussa Jarlax.

Tephanis eut l’air dubitatif.

-Vous ne pensez pas que l’élimination des Ratisseurs nous posera le moindre problème ? S’écria Jarlax, incrédule.

-Pas dans un conflit ouvert, non…Pourtant, depuis des années qu’ils fuient les affrontements déclarés, justement, ils ont toujours réussi à survivre.

-Pure question de chance.

-Pure question de protection, rectifia Tephanis. Si un géant veille sur lui, un homme n’a pas besoin d’être physiquement fort.

-A moins que le géant se pique d’amitié pour un rival de son protégé…, riposta Jarlax. Et les géants ont un cœur d’artichaut, c’est bien connu.

-Vous avez tout arrangé avec les hauts seigneurs de Portocal ? Insista Tephanis, sceptique. Qui ? Et pourquoi n’ai-je pas été impliqué dans les négociations ?

Jarlax se contenta de hausser les épaules.

-Impossible ! Décida l’humain. Même si vous les menaciez, les Ratisseurs sont trop sont trop ancrés ai cœur du réseau de pouvoir du Calim. Ils ont des alliés pour les protéger, d’autres alliés ! Même Jarlax et Bregan ne pourraient balayer l’opposition face à un changement aussi radical que l’élimination des Ratisseurs du paysage politique de cette contrée !

-Je me suis peut être allié à la créature la plus redoutable que l’on ait jamais vue à PortoCal.

Une déclaration typiquement sibylline et mélodramatique. Le front plissé, Tephanis dévisagea son agaçant interlocuteur, à l’affût du moindre indice. Que pouvait augurer ce comportement anormal ? Jarlax était souvent énigmatique en quête de pouvoir ou de profit. Pourtant, quelque chose clochait. De l’avis de Tephanis, s’attaquer au Ratisseurs était une grossière erreur de stratégie. Du genre que le chef légendaire de Bregan n’irait jamais commettre. D’évidence, le démon avait dû s’allier à quelque monstrueuse puissance pour vouloir à ce point brûler les étapes. Où il détenait des éléments qu’il était seul à connaître. Douteux. Tephanis, contrairement à Jarlax, connaissait à fond les rues de Portocal. Admettre l’une de ces possibilités n’expliquait pas tout. Jarlax était d’une folle arrogance, mais il n’avait jamais fait montre d’une telle assurance. Surtout en des circonstances aussi instables. Tout sonnait faux. Après le chute des Ratisseurs, la situation, déjà explosive, basculerait dans l’apocalyptique. Tephanis était bien placé pour juger des talents sanguinaires des démons. Bregan massacrerait la guilde rivale, ça ne faisait pas l’ombre d’un doute. Mais quelles conséquences dérouleraient de cette victoire ? A coup sûr, il y aurait trop de retombées pour que Jarlax affiche cette tranquille assurance.

-Votre rôle a été déterminé, Tephanis ?

-Nullement. Ray et Kim m’ont pratiquement éjecté de l’affaire.

Jarlax éclata de rire. L’humain était si transparent ! Tephanis le regarda fixement sans esquisser le moindre sourire. Le démon devait avoir conscience des dangers avec lesquels il flirtait. De la situation potentiellement catastrophique qui risquait de les renvoyer, lui et Bregan, dans les entrailles de la terre. Il s’agissait donc de cela, s’amusa l’assassin. Se pouvait-il que Jarlax se languise de son foyer au point de faciliter ainsi sa chute ? L’envisager suffit à faire frémir Tephanis. Il préférait cent fois que le démon le tue ici et maintenant qu’il l’entraîne de nouveau sous terre. Tephanis deviendrait-il l’agent permanent de Bregan, au même titre qu’Orok à Luss ? Non, Ca ne suffirait pas Portocal était plus dangereuse que Luss. Et si Bregan était écarté de la scène, il ne pendrait pas de tels risques. Trop d’ennemis rôdaient dans les parages.

-Ca commencera bientôt, si ce n’est pas déjà fait, ajouta Jarlax. Ce sera donc vite fini.

Plus que tu crois, pensa le tueur. Il se garda de tout commentaire. Il survivait par la seule grâce de son esprit froidement analytique, acharné à peser les conséquences de chaque geste. Certes, Jarlax et lui étaient du même bord. Pourtant, ce soir là, Tephanis avait du mal à reconnaître en lui le démon qu’il fréquentait d’assez longue date. Il avait beau examiner l’affaire sous tous les angles, ce pari restait à ses yeux une mesure aussi casse-cou qu’injustifiée. Que savait donc Jarlax qu’il ignorait ?

Nul n’aurait paru d’avantage hors de son élément que Sharlot Vespyr en train de descendre les barreaux d’une bouche d’égout de Portocal. Impeccablement coiffée, elle était vêtue de sa longue robe de prédilection. Ses grands yeux marron en amande soulignés au pinceau accentuaient sa beauté exotique. Pourtant, quiconque la connaissait n’aurait pas été surprus de la voir là. Surtout compte tenu de son escorte.

-Des nouvelles de là haut ? S’enquit Ray en s’exprimant rapidement en démoniaque.

Malgré ses réserves à propos de Sharlot, il restait impressionné par ses progrès linguistiques fulgurants
.

-Des tensions, répondit-elle. Cette nuit, les clans se sont verrouillés à double tour. Un événement sans précédent ! La faune des rues a conscience qu’il se trame quelque chose.

Ray jeta un regard sombre à Kim. Tous les deux venaient d’en convertir : leur plans dépendaient principalement de l’élément de surprise et de la discrétion. Le clan Basadoni et Bregan devraient simultanément remplir leurs objectifs pour éliminer un maximum de témoins gênants. On se serait presque cru en Abîme ! Là, un raid contre une Maison rivale, une chose courante, était un succès uniquement s’il ne restait pas de témoin, quelque soit l’issue du combat. Même si chacun savait pertinemment qui étaient les agresseurs, aucune action ne serait entreprise sans preuves accablantes. Mais Portocal n’était pas l’Abîme. A la surface du monde, des faisceaux de présomptions suffisaient à ouvrir une enquête. Chez les démons, le doute sans preuves incitait uniquement à prier.

-Nos guerriers sont en place, fit remarquer Kim. Ils sont sous les maisons des clans, en forces suffisants pour faire des ravages. Les soldats Basadoni ont cerné les trois principaux bâtiments. Tout se déroulera très vite, car les humains ne prévoiront jamais une attaque venue de sous leurs pieds.

Sharlot leva un sourcil, un détail qui n’échappa pas à Ray. Began, trahi ? Les Ratisseurs, prévenus, avaient-ils levé des défenses contre toute attaque venant d’en bas ?

-Sharlot, les agents ont été isolés ? demanda le magicien.

Il faisait allusion à la première phase de l’invasion : le combat contre, ou plutôt l’élimination, des espions en place sur le terrain.

-Les agents resteront introuvables, répondit Sharlot sur le ton de la conversation.

Un calme surprenant au regard de l’énormité de l’opération et de ses implications. Ray jeta un autre coup d’œil à Kim.

-Tout est en place, assura le psionique.

-L’essaim de Keeg obstrue les tunnels, répondit le magicien.

Une expression démon archaïque renvoyant à une bataille du passé : un monstrueux ‘essaim’ de diablotin commandé par l’ingénieux esclave rebelle Keeg avait été exterminé par les démons d’une modeste agglomération. Les démons s’étaient déployés dans les boyaux entourant le bourg. En d’autres termes, étant donné la situation, tout était en place pour livrer la mauvaise bataille. Sharlot regarda le magicien d’un air intrigué, et celui-ci en comprit la raison. Les mercenaires de Bregan embusqués dans les tunnels, sous les maisons des Ratisseurs, ne constituaient vraiment pas un ‘essaim’ digne de ce nom. Fallait-il le préciser ? Ray se moquait royalement que Sharlot comprenne ou pas.

-Avons-nous retrouvé la trace des agents portés disparus ? Lui demanda le magicien. Savons-nous où ils ont fui ?

-Ils se terrent sans doute chez eux, répondit la jeune femme. Peu d’entre eux se baladent encore dans les rues, cette nuit.

Une fois de plus, une allusion pas si fine au fait que trop d’éléments avait été prématurément dévoilée. Sharlot avait-elle trahi ses nouveaux alliés ? Ray repoussa l’envie de l’interroger sur-le-champ à l’aide de techniques de torture aptes à briser rapidement toute résistance humaine. Il aurait à en répondre devant Jarlax, et il n’était pas prêt pour ce genre de confrontation, pas encore. S’il annulait l’opération à cet instant critique, le clan Basadoni et les démons revenant sans avoir versé le sang de leurs rivaux, Jarlax ne serait pas ravi non plus. Sourd aux protestations comme aux réserves de ses lieutenants, Jarlax entendait lancer sa conquête. Ray ferma les yeux et envisagea la situation sous l’angle de logique, en quête de bases plus solides et plus sûres. Une des maisons des Ratisseurs était isolée, et sans dout peu gardée. Si la détruire compromettrait peu l’éfficacité du clan rival, cela contenterait peut-être Jarlax, dans l’immédiat.

-Qu’on rappelle les soldats Basadoni, ordonna le magicien. Et que leur repli ne passe pas ina perçu. Certains descendront au Cuivre Ante et dans d’autres établissements du genre.

-Le Cuivre Ante est fermé, expliqua Sharlot.

-Rouvrez-le ! Ordonna Ray. Vous direz à Aelynda Winter que sa bande de minus et sa clientèle n’ont rien à craindre cette nuit. Que nos soldats mènent grand tapage dans les rues. Pas par bataillons entiers, mais par petits groupes, surtout.

-Et Bregan ? S’inquiéta Kim.

Il semblait moins angoissé que Ray, qui venait de son propre chef d’annuler les ordres explicites de Jarlax, l’aurait cru.

-Qu’on redéploie Baenre et nos jeteurs de sorts en huitième position, répondit le magicien.

Il se référait au quartier des égouts, sis sous la maison des Ratisseurs visée. Kim fronça ses sourcils blancs. Ils savaient qu’ils ne rencontreraient que peu de résistance de cet avant-poste isolé, et il ne semblait guère que Baenre et d’autres lanceurs de sorts soient nécessaire pour investir cet objectif ridicule.

-Il faudra l’anéantir aussi efficacement que si nous attaquions la Maison supérieur elle-même, exigea Ray. Il s’agit de revoir nos plans et de redéployer en conséquence les effectifs nécessaires à leur application.

-Pour réaliser pareil ‘exploit’ nos esclaves diablotins feraient aussi bien l’affaire, lâcha le psionique.

-Pas de diablotins et pas d’humain ! Répondit Ray le plus sérieusement du monde. C’est un travail à réserver aux nôtres.

Soudain, Kim comprit ce qui sous-tendait le raisonnement de son camarade. Un sourire éclaira son visage. Après un coup d’œil à Sharlot, il hocha la tête, ferma les yeux et utilisa ses pouvoirs mentaux pour contacter Baenre, sur le terrain. Ray dévisagea Sharlot. En sa faveur, l’expression et le maintien de la jeune femme ne trahirent rien de ses sentiments. Pourtant, elle se demandait forcément s’il en était venu à la soupçonner de collusion avec les Ratisseurs.

-Vous avez dit que notre force de frappe se révélerait écrasante, rappela Sharlot.

-Pour cette nuit, peut être, Répondit Ray. Un voleur sage ne dérobe pas l’œuf d’un dragon si cela risque de réveiller le dragon.

Sharlot continua à le regarder et de se poser des questions, il en était certain. Coupable ou non, cette fine mouche de Sharlot était maintenant angoissée. Une chose qu’il savoura pleinement. Elle fit mine de grimper l’échelle donnant sur l’extérieur.

-Où allez-vous ? Demanda Ray.

-Rappeler les soldats Basadoni.

Une évidence, à son ton. Secouant la tête, Ray lui ordonna de rester.

-Kim transmettra le contre-ordre.

Sharlot hésita. Le magicien se régala de la voir nager dans la confusion et l’inquiétude. Mais elle finit pas obtempérer.
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Terrien

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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMer 12 Aoû - 20:08

Baenre en crut à peine ses oreilles. A quoi bon lancer une offensive de cette envergure si c’était pour passe à côté du fief ennemi ? Bien sûr, en Abîme, une société éminemment matriarcale, les mâles apprenaient à obéir sans discuter. Ce que fit Baenre. Dans la première maison de l’abîme, il avait suivit un entraînement tactique hors pair. Et cette nuit-là, il disposait d’atouts écrasants pour mener à bien sa mission : anéantir une habitation isolé de Ratisseurs. Un avant-poste situé en zone hostile. En dépit du surprenant changement de tactique et de ses réserves sur le sujet, Baenre eut un sourire carnassier. Les éclaireurs démons, des experts en discrétion, se présentèrent au rapport. Quelques instants plus tôt à peine,ils s’étaient introduits dans la maison visée grâce à des tunnels foré par magie. Ils firent leur rapport dans le langage des signes des démons. Sa confiance retrouvée, Baenre sentit aussi grimper en flèche son incompréhension viscérale de la situation. Au-dessus de leur tête, il y avait plus d’une vingtaine d’humains, et pas un magicien. Selon les éclaireurs, il s’agissait d’une simple réunion de seconds couteaux et de petites frappes minables. Des cafards de l’ombre. Avec des démons dans les parages. Pas de chances pour les cafards. Alors que Baenre et son armée avait une idée précise des forces qu’ils allient devoir affronter dans une maison au-dessus d’eux, les humains étaient loin de se douter du fléau qui allait fondre sur eux par en dessous.

-Vous avez indiqué aux commandants toutes les issues de secours ? Demanda Baenre par signes.

En utilisant a main gauche, il précisait sans la moindre ambiguïté possible qu’il parlait de possibilité de fuite pour l’ennemi.

-Les magiciens se sont déployés en conséquence, répondit un éclaireur.

-Les chefs ont leur feuille de route, ajouta un autre.

Baenre hocha la tête, lança les opérations et rejoignit son groupe d’assaut, celui qui s’engouffrerait le dernier dans la place, et qui gagnerait le premier sommet de la maison. Il avait deux magiciens avec lui. L’un se concentrait, les yeux fermés, prêts à transmettre le signal. L’autre gardait les yeux et les bras levés vers la voûte. Il serrait dans son poing une bonne quantité de poudre de tallophyte selussi, une spécialité de l’abîme.

-L’heure a sonné !

Le murmure résonna par magie le long des parois, atteignant les oreilles de tous les démons. Au fil de ses arabesques, le jeteur de sort, qui ne quittait pas la voûte des yeux, décrivit des demi-cercles, les pouces et les annulaires joints, sans cesser de psalmodier. Son incantation s’acheva sur un sifflement. Il leva un index. La zone de la voûte ainsi désigné fluctua, ses contours ondulant comme si le magicien venait de plonger une main dans de l’eau. Il garda la pose quelques secondes. Les rides concentriques s’accentuèrent jusqu’à ce que la pierre se brouille et se volatilise, remplacé par un boyau qui traversait les fondations de la maison pour atteindre le rez-de-chaussée. Le sol se dérobant littéralement sous ses talons, un Ratisseur pris au dépourvu battit vainement e ses bras pour tenter d’échapper à une chute mortelle. Les guerriers démons se mirent en position sous le trou et bondirent dans sa direction. Grâce à leur don de lévitation, les guerriers s’élevèrent dans le boyau. Le premier attrapa l’homme par le col, freinant sa dégringolade. Aussitôt, le Ratisseur qui avait habilement amorti sa rude réception d’un roulé-boulé se releva d’un bond, dague dégainée et blêmit. Des démons étaient en train d’envahir sa maison ! L’un d’eux, tellement beau et vigoureux, lui fit face et brandit la lame la plus affûtée qu’il ait jamais vue. Et s’il proposait de se rendre ? De raisonner avec le démon ? Mais son cors, paralysé d’effroi, ne lui obéissait plus. Il réussi pourtant à dégainer son couteau tandis qu’il articulait quelques mots. Baenre comprenant mal la langue des habitants de la surface, il ne saisit pas les intentions de l’humain. Et peu lui importait. D’une simple frappe, il trancha la main armée du Ratisseur, se replia avec grâce et élégance pour retrouver ainsi qu’une certaine puissance, puis il se fendit de nouveau. Avec grande assurance, il enfonça sa lame dans les chairs de son adversaire, lui brisant quelques côtes au passage. L’homme tomba raide mort, touché au cœur, sa curieuse expression de surprise se lisant encore sur son visage. Sans prendre a peine d’essuyer sa lame, Baenre se hâta de rejoindre ses frères d’armes. Il s’accroupit et se propulsa vers la maison. L’interlude l’avait à peine retardé. Pourtant, dès qu’il aborda le rez-de-chaussée, son regard ne se posait déjà plus que sur des cadavres humains. Peu après, avant même que le sortilège passe muraille lancé par le magicien prenne fin, l’équipe de Baenre fit le point. Un franc sucés : pas un démon blessé aucun Ratisseur survivant. Après leur départ, la maison ne contenait plus aucun trésor. Même les Zénis cachées sous les lattes du plancher et les meubles avaient été emportés. Des flammes magiques consumèrent les sols et les cloisons. De l’extérieur, la bâtisse paraissait intacte et paisible. L’intérieur n’était plus qu’une coquille vide calcinée. Bregan avait délivré son message.

-Je refuse les accolades ! Annonça Baenre en rejoignant Ray, Kim et Sharlot.

Une expression démoniaque se rapportant ç l’insignifiance du vaincu. D’où l’impossibilité de tirer la moindre fierté d’une victoire. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Kim eut un sourire en coin.

-La maison a été prise et ses résidents exterminés. Tout s’est déroulé comme prévu. Je n’en retire aucune gloire, mais ça n’enlève rien aux faits.

Comme il l’avait fait toute la journée, Ray continua d’étudier Sharlot Vespyr. Comprenait-elle la sincérité de Kim ? Et dans ce cas, commençait-elle à entrevoir la véritable nature du pouvoir qui s’implantait à Portocal ? Qu’un clan élimine aussi radicalement la planque d’une organisation rivale n’était pas un mince exploit, à moins que les agresseurs soient des démons, précisément. Et qui mieux que les démons saisissait les complexités des querelles intestines ? Sharlot en avait-elle conscience ? Et aurait-elle alors la stupidité de prétendre en tirer d’avantage ? Sous son masque impavide perçait un soupçon de duplicité. Ray eut l’intention qu’on pouvait répondre aux deux questions par l’affirmative. Quasi certain que Sharlot Vespyr s’aventurait sur un terrain miné, le magicien sourit.

-Qu’a appris Jarlax pour modifier ainsi sa tactique ? Demanda Baenre.

-Il n’en sait encore rien, répondit Ray. Il a choisi de rester à l’écart. La direction des opérations me revenait.

Baenre allait reformuler sa question quand il ravisa et s’inclina.

-Vous m’expliquerez peut-être par la suite les motifs d’une telle décision, afin que je cerne mieux nos ennemis, dit-il avec respect.

Ray hocha légèrement la tête.

-Il faudrait aussi s’en expliquer auprès de Jarlax, rappela Sharlot avec son étonnante maîtrise de la langue démoniaque. Il ne s’inclinera pas si facilement devant votre initiative.

Au fond des prunelles rougeoyantes de Baenre, Ray surpris un éclair de colère. Naturellement, la remarque était fondée, mais venant d’une non-démone, Baenre ne pouvait que s’en offusquer. Un faux pas d’ordre mineur peut être ? Mais si d’autres suivaient, dirigés contre le jeune Baenre, les restes de Sharlot Vespyr ne permettraient plus la moindre identification. Le magicien relança le débat.

-Nous devons informer Jarlax. Pour nous, qui étions sur le terrai, ce revirement s’imposait. Mais lui, s’étant isolé, peut être trop, il ne verra sans doute pas les choses comme nous.

Kim et Baenre lui lancèrent des regards intrigués. Pourquoi parlait-il soudain si ouvertement en présence de l’humaine ? Discrètement, Ray leur fit signe de continuer sur cette voie. Kim saisit la balle au bond.

-Nous pourrions impliquer Dom et les rats garous. Il faudra ensuite les exterminer aussi. Une mission qui vous échoirait en grande partie.

-Les soldats Basadoni furent les premiers à se replier, renchérit Ray. Ils reviendront sans une goutte de sang sur leurs épées…

Trois paires d’yeux se posèrent su Sharlot, qui conserva un calme exemplaire tout en réfléchissant à voix haute.

-Va pour Dom et les rats garous…Nous les compromettons…Oui, ce sera l’idéal…, approuva-t-elle en y réfléchissant manifestement à la volée. Peut être ignoraient-ils tout de nos plans. Mais, coïncidence, le Pacha les a engagés pour garder les égouts. Comme nous ne désirons pas révéler notre présence à ce lâche de Dom, nous nous en somme tenus au secteur non protégés, principalement le huitième.

Se consultant du regard, les trois démons lui firent signe de continuer.

-Oui…, enchaîna Sharlot, gagnant en assurance. Je pourrai facilement tourner cet imprévu à notre avantage, et aux dépens du Pacha. De sombres pressentiments l’agitaient. Et quand il apprendra la destruction de l’avant-poste, son angoisse augmentera. Il en reviendra peut être à croire que Dom est beaucoup plus fort qu’on le pensait grâce à son alliance secrète avec les Basadoni…Et donc que seul l’ancien partenariat de cette guilde avec les Ratisseurs a permis de limiter les dégâts

-Mais cela ne compromettra-t-il pas aussi la maison Basadoni ? Lança Kim, jouant le porte-voix de Ray.

Jusqu’où Sharlot s’enfoncerait-elle ?

-Seulement dans la mesure où nous avons laissé faire…Nous n’avons joué aucun rôle dans l’histoire. En réaction aux multiples tentatives d’espionnage dirigées contre notre clan, nous aurons simplement tourné la tête de l’autre côté…A condition de s’y prendre en finesse, Dom paraîtra beaucoup plus puissant qu’il l’est en réalité. Si les Ratisseurs en concluent qu’ils ont échappé de peu au désastre, ils adopteront profil bas et seront beaucoup plus raisonnables…Jarlax tiendra sa victoire !

Elle afficha ensuite un large sourire, et les trois démons en firent autant.

-A vous de jouer, répondit Ray en désignant l’échelle d’accès à la rue. Souriant encore, la femme tourna les talons et s’en fut.

-Nécessairement, à un degré ou à un autre, sa duperie visant le Pacha abusera aussi Jarlax, fit remarquer Kim.

La jeune femme allait s’engluer dans une toile fatale, tissée par ses propres soins. Baenre décida de prendre le taureau par les cornes.

-Vous en venez à craindre que quelque chose cloche, chez lui ?

En d’autres circonstances, ses lieutenants ne seraient jamais allés à ce point contre les ordres de Jarlax.

-Ses vues ont changé, répondit Kim.

-Vous ne souhaitiez pas monter à la surface, ajouta Baenre avec un sourire narquois qui semblait remettre en question les motivations de l’argumentation de ses compagnons.

-Non, et nous serons ravis de retrouver la fournaise de Nardel, assura Ray.

Il parlait de la grande horloge lumineuse de l’Abîme, une colonne de pierre marquant le passage du temps par incréments thermiques.

-Vous n’êtes pas ici depuis assez longtemps pour apprécier les côtés ridicules de l’endroit…, ajouta le magicien. Bientôt, vous vous languirez comme nous de l’Abîme.

-C’est déjà le cas, répondit Baenre. Rien, à la surface du monde, ne trouve grâce à mes yeux. Aucune vue, aucune odeur ne m’attire. Et celle de Sharlot Vespyr encore moins !

-Cet imbécile de Tephanis et elle… ! Pesta Ray. Dire qu’ils ont la cote auprès de Jarlax !

-Ses fonctions au sein de Bregan touchent peut-être à leur fin, dit Kim.

Devant l’audace d’une telle déclaration, Baenre et Ray ouvrirent de grands yeux. En vérité, tous les deux partageaient le même avis. Jarlax étai allé loin en les emmenant à la surface du monde. Trop pour que la compagnie soit encore bien vue de ses anciens associés, au nombre desquels comptait les plus grandes Maisons de l’Abîme. Ce pari avait déjà rapporté de fructueux dividendes, surtout avec ce flot croissant de denrée exotiques. Néanmoins, il avait été question d’une brève incursion au soleil histoire d’implanter quelques agents de choix pour faciliter les importations. En conquérant le clan Basadoni et en renouant avec le dangereux Tephanis, Jarlax avait aggravé les choses. Pour son amusement, il s’en était pris au renégat démon le plus honni, Den. Puis, après avoir dérobé le redoutable artefact Shinibon, il avait épargné Den, contraignant même Ray à user d’un sortilège de résurrection. Et maintenant ça ! Un coup risqué sans profits à la clé, dans un monde où nul démon, excepté Jarlax, ne désirait s’attarder. S’il avait procédé jusque-là par petits bonds prudents, il n’en laissait pas moins derrière lui une longue piste tortueuse. Tout Bregan avec lui, il entraînait ses démons loin des sentiers battus et des attraits qui avaient tant séduit Ray ; Kim et Baenre et la plupart de ceux qui avaient rejoint l’organisation.

-Et Sharlot Vespyr ? Lâcha Kim.

-Jarlax nous débarrassera du problème, assura Ray.

-Elle a ses faveurs, rappela Baenre.

-Elle vient de tisser une toile de duperie contre lui, répondit le magicien. Nous le savons, et elle sait que nous le savons. Elle ne tardera pas à s’aviser des implications désastreuses…pour elle ! Dorénavant, elle sera contrainte de nous obéir.

Le magicien démon sourit en réfléchissant à ce qu’il venait de dire. Il adorait voir des humains s’empêtrer dans les toiles mortelles de la société des démons tout en apprenant progressivement à leurs dépens que les filaments gluants qui les constituaient superposaient sur de nombreuses couches.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeMer 12 Aoû - 20:08

-Je connais ta faim, dit Jarlax. J’éprouve la même. Ce n’est pas ce que j’avais envisagé. Mais l’heure n’était peut-être pas venue.

-Tu accordes trop de confiances à tes lieutenants, souffla la petite voix, dans son crâne.

-Non, ils ont vu quelque chose qui, à cause de notre faim, nous avait échappé. Ils sont pénibles, souvent agaçants et volontiers frondeurs quand leurs intérêts personnels entrent en conflit avec une mission donnée, Ce n’était pas le cas ci. J’examinerai l’affaire à la loupe. Il doit exister d’autres moyens, sans doute préférables pour atteindre nos objectifs.

La petite voix allait répondre quand Jarlax coupa court au dialogue. Cette brutale remise en place rappela à Shinibon qu’il ne se trompait pas en respectant le démon. Jarlax avait une singulière force de caractère et une immunité innée aux envoûtements. L’antique artefact doué de conscience avait maté peu de gaillard dans ce calibre. Même en comptant les seigneurs qui, au fil des siècles, s’étaient souvent unis à lui. En vérité, le seul qui avait si bien su lui résister jusqu’à présent était le prédécesseur immédiat de Jarlax, Den, un autre démon, dont les boucliers mentaux s’appuyaient sur la morale. Shinibon ne se serait pas davantage cassé les dents s’il avait tenté d’assimiler un prêtre ou un paladin. Tas d’imbéciles aveugles au besoin d’atteindre une puissance supérieure ! Bref, la résistance de Jarlax était très impressionnante. Car ce démon-là, avait cru comprendre l’artefact, n’avait aucune règle de vie basée sur la morale. Il ne considérait pas le morceau de cristal comme une entité maléfique à éviter à tout prix. Non, pour autant que Shinibon ait pu en juger, aux yeux de Jarlax, tout être e toute chose croisés en chemin étaient des instruments susceptibles de le faire avancer sur la voir royale de la réussite. L’artefact y creuserait des fourches et des embranchements. Voire des virages en épingle à cheveux, à mesure que le démon s’aventurait dans l’inconnu. Mais pour l’instant, il n’y aurait pas de changement brutal de direction. Bien qu’il l’ait souvent fait par le passé, face à des obstacles coriaces, le morceau de cristal n’envisagea pas un instant de chercher une autre victime, plus malléable. Certes, Jarlax lui opposait une farouche résistance. Mais elle n’impliquait ni danger ni immobilisme. Le démon serait la plus grande source de puissance que Shinibon n’ait jamais connue. Le fait que ce démon ne soit pas qu’un simple instrument au service du chaos et de la mort, comme la plupart des seigneurs, ni humain crédule, sans doute le concept le plus redondant auquel l’artefact ait jamais songé, le rendait plus intéressant. Shinibon était persuadé qu’ils avaient une longue route à faire ensemble.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeVen 14 Aoû - 14:45

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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeLun 17 Aoû - 13:22

-D’autres ont essayés, dit Aelynda, et certains ont même failli réussir, manquant faire main basse sur cette arme maudite !

Chef du seul clan de personnes de taille réduite de Portocal, Aelynda Winter régnait sur une impressionnante bande de tire-laine et d’informateurs dont le Cuivre Ante était le quartier général.

-Maudite ? Répéta Tephanis.

Position inhabituelle pour lui, il s’adossait confortablement à son siège. Ce n’était pas un hasard s’il prenait ses aises dans l’unique endroit, en ville, où il se sentait bien, au point de boire. Avec modération, toutefois, ces derniers temps, il y revenait souvent. Depuis l’assassinat, dans la salle voisine, de son précédent associé, le pathétique Don Winter. Si Aelynda était la cousine de Don, et si elle savait que l’assassin se prélassait devant elle, Tephanis avait en réalité rendu service au misérable en le poignardant. Aelynda était trop pragmatique pour s’appesantir sur e sujet et nourrir du ressentiment. Le sachant, Tephanis se savait donc le bienvenu au Cuivre Ante, probablement la maison la mieux défendue de Portocal. Non que ses défenses soient formidables, avec un petit groupe de guerriers, Jarlax pourrait aisément s’engouffrer dans la place et y faire des ravages, mais ses protections contre l’espionnage d’origine magique valaient bien celles du clan des magiciens lui-même. Aelynda y investissait l’essentiel de ses ressources, plutôt que dans des défenses physiques. En outre, le Cuivre Ante était une mine d’or, niveau renseignements. Il y avait beaucoup de monde qui veillait à ce que les lieux demeurent le plus sûr possible. A l’instar d’Indis Fantur, le clan survivait en apportant ses lumières à nombre d’adversaires potentiels. Tephanis ne goûtait guère la comparaison. Indis était un sombre profiteur, loyal à lui-même et à personne d’autre. Cet entremetteur collectait des informations grâce à sa bourse, pas à son intelligence, et il les revendait aux plus offrants. Comme négociant, il était doué. Mais il ne contribuait en rien à l’amélioration ou au bien-être de la société. C’était un vulgaire profiteur, une sangsue. Tôt ou tard, on retrouverait son cadavre dans une ruelle, Tephanis en était persuadé. Qui s’en affligerait ? Aelynda Winter connaîtrait peut-être un jour une fin aussi misérable, pensa Tephanis. Mais au contraire d’Indis, beaucoup de gens chercheraient à la venger. Dont lui-même.

-Maudite ! Répéta la jeune fille après mûre réflexion.

-Pour ceux qui sentent sa morsure.

-Pour ceux qui la sentent ! Insista Aelynda.

Tête inclinée, le tueur étudia sa surprenante amie.

-Kohrez Soulin est piégé, continua Aelynda. Connaissant la valeur de l’épée, il s’est construit une véritable forteresse.

-Il a beaucoup de trésors en sa possession…

Mais au fond, il savait qu’elle avait raison sur ce point, du moins en parlant de Kohrez Soulin.

-Ce seul trésor risque déjà de lui attirer les foudres des magiciens, objecta Aelynda. Sans parler de ceux qui confient leur sécurité à ces mêmes magiciens…

Tephanis hocha la tête sans la contredire. Il n’était pas convaincu. Si la Griffe de Charon pouvait signer la perte de Kohrez Soulin, c’était parce que l’homme s’étai établi là où une telle arme était considérée à la fois comme un objet de convoitise et une menace permanente. Dés qu’il aurait l’arme, Tephanis fuirait Portocal. Le boulet de Soulin serait sa porte de sortie.

-L’épée est un antique artefact. Tous ceux qui ont prétendu s’en emparer sont morts.

L’avertissement, si dramatique qu’il soit aux yeux de la fillette, n’eut aucun effet sur le tueur.

-Tout le monde meurt un jour ou l’autre, Aelynda, répondit-il sans hésiter en se remémorant l’enfer qu’il avait vécu à Portocal. La façon de survivre, voilà ce qui importe.

Elle le regarda, intriguée. En avait-il encore trop dit ? L’incitait-il à en apprendre davantage sur la soudaine puissance des Basadoni ? Si l’ingénieuse Aelynda avait la puce à l’oreille, attirant malgré elle l’attention de Jarlax et de ses lieutenants, aucune protection magique au monde, aucun de ses associés, pas même Tephanis Aukrion, ni le fait que certains la trouvaient très utile ne la sauverait des impitoyables soldats de Jarlax. Le Cuivre Ante serait anéanti. Et Tephanis n’aurait plus nulle part où se détendre. Aelynda le dévisageait toujours. De la curiosité professionnelle, avec un soupçon de compassion.

-Qu’est-ce qui déboussole à ce point Tephanis Aukrion ? Osa-t-elle demander.

Dague au poing, le tueur bondit avant même qu’elle achève sa question. A une telle vitesse que les gardes n’eurent pas le temps de réagir ni la fillette celui de comprendre. La seconde suivante, Tephanis avait traversé la pièce pour agresser Aelynda, lui tirant la tête en arrière par les cheveux et lui plaquant sa dague contre la gorge. Elle sentit la morsure glaciale de la lame sur sa gorge tendre. Du sang perla. Malgré l’insignifiance de la blessure, Aelynda sentit son énergie vitale se faire aspirer hors de son corps.

-Si vous parlez de mon trouble à qui que ce soit, promit l’assassin, son souffle chaud contre son visage, je vous ferai amèrement regretter de vous avoir épargnée aujourd’hui !

Dès qu’il s’écarta, la jeune fille leva la main pour faire signe aux gardes de ne pas réagir. De l’autre, elle se frotta le cou et se pinça la peau à l’endroit où il l’avait légèrement entaillée.

-Vous êtes certaine que Kohrez Soulin l’a toujours ?

Avec cette question, Tephanis espérait changer de sujet et ramener la conversation sur un terrain professionnel. Pas nécessairement pour obtenir une information vitale.

-Il l’avait et il est toujours de ce monde. Ca me semble suffisant, répondit Aelynda, manifestement secouée.

Hochant la tête, Tephanis reprit sa position décontractée, une sérénité que la lueur inquiétante, au fond de ses yeux démentait.

-Vous voulez toujours quitter la ville par des voies sûres ? Demanda Aelynda.

Il hocha légèrement la tête.

-Faudra-t-il solliciter Dom et ses rats gar…, commença à demander la jeune fille, mais Tephanis coupa court.

-Non

-Il a le réseau le plus…

-Non.

Aelynda voulut produire de nouveaux arguments. Faire quitter Portocal au tueur à l’insu de tous ne serait pas un mince exploit. Même avec l’aide de Dom. De notoriété, Tephanis était lié au clan Basadoni, sur laquelle les yeux de tous étaient braqués. Mais elle se ravisa. D’un regard, cette fois, son interlocuteur l’en dissuada. Quand on se trouvait devant un tel regard, que Tephanis Aukrion avait perfectionné depuis plusieurs années, l’heure des dernières prières n’était pas loin de sonner.

-Bien, capitula la fillette. Dans ce cas, ça prendre plus de temps. Mais pas plus d’une heure, soyez rassuré.

Pour que les gardes armés, à l’ombre des quatre angles de la pièce, ne puissent plus entendre, Tephanis continua à voix basse.

-Nul autre que vous ne devra être au courant. Pas un mot à qui que ce soit, même à vos lieutenants plus fiables !

La jeune femme poussa un long soupir.

-Dans ces conditions, comptez plutôt deux heures.

Tephanis la regarda sortir. Il le savait, elle ne pouvait pas accéder à ses désirs et le faire quitter Portocal sans que personne ne soit au courant. Les rues faisaient l’objet d’une trop étroite surveillance. Mais la maîtresse du Cuivre Ante, AelyndaWinter, devait se le tenir pour dit : la moinde fuite, et Tephanis la tiendrait pour personnellement responsable. Le tueur souri. Lui, abattre Aelynda ? Impensable ! Il l’aimait bien et la respectait, tant pour son courage que pou ses talents. Mais il devait garder son départ secret. Si certains, tels que Ray ou Kim, en entendaient parler, ils auraient tôt fait de découvrir sa destination. Or, Tephanis ne voulait pas que ces deux démons-là examinent l’affaire Soulin. Aelynda reparut avant la fin des deux heures annoncées et tendit au tueur une copie grossière d’une carte du secteur idoine de Portocal. Un itinéraire y était indiqué en pointillé.

-Quelqu’un vous attendra au bout de l’avenue Croissant, juste avant la boulangerie.

-Pour me donner la suite de l’itinéraire concocté par les vôtres ?

-Oui, par ma famille et quelques associés.

-Et bien sûr, ils surveilleront tous les mouvements à mesure que chaque carte sera collectée.

La fillette haussa les épaules.

-N’êtes-vous pas un maître du déguisement ?

Sans répondre, Tephanis sortit de l’établissement, tourna dans une allée sombre et émergea avec une tout autre allure : celle d’un type corpulent à la claudication prononcée. Il quitta Portocal dans l’heure, par le nord-ouest. A l’aube, perché sur une dune, il contemplait l’oasis Dallabad en se remémorant tout ce qu’il savait sur le vieux Soulin. Vieux ? Tephanis soupira. En fait, le bonhomme frisait la cinquantaine. S’il avait trente ans de plus que lui, c’était le bout du monde. L’assassin porta ses pensées sur le palais forteresse lui-même et tenta de se remémorer un maximum de détails à son sujet. De cet angle, tout ce que le tueur apercevait des lieux se limitai à des palmiers, un petit étang, un rocher, une poignée de tentes, dont un pavillon plus grand que les autres, et, au-delà, se confondant presque avec les sables du désert, une bâtisse marron aux murs carrés gardés par des sentinelles en djellaba à l’air passablement assommé. La forteresse Dallabad ne paraissait guère redoutable, surtout pour un as comme Tephanis Aukrion. Mais lui précisément savait à quoi s’en tenir. Du temps où il travaillait pour le Pacha Basadoni, il avait visité Dallabad plus d’une fois. Et encore récemment, au service du Pacha Amas. Il connaissait l’agencement circulaire de l’édifice, derrière ces murs d’enceinte formant un carré, ainsi que les corridors concentriques conduisant aux chambres au trésor de Kohrez Soulin et à ses appartements privés. Se remémorant les commentaires d’Aelynda à propos de l’homme et de son palais, le tueur sourit. Ses descriptions étaient parfaitement exactes. L’homme était effectivement prisonnier. Mais sa forteresse prison restait à double tranchant. S’y introduire en douce serait un rude défi. Elle regorgeait de soldats rompus à déjouer les tentatives des hordes de voleurs dont la région fourmillait. Néanmoins, Aelynda se trompait sur un point : Kohrez lui-même, pas la Griffe de Charon, étai la cause de cette claustration. Soulin avait si peur de perdre cette arme légendaire qu’il la laissait le dominer entièrement, le consumer et le paralyser. Quand avait-il quitté Dallabad pour la dernière fois ? Depuis quand ne s’était-il promené dans le marché ouvert ou n’avait-il plus bavardé avec ses vieux associés dans les rues de Portocal ? Les gens s’enfermaient dans leur propre prison, pensa Tephanis. Son obsession pour Den ne l’avait-elle pas amené à faire de même ? Un besoin stupide d’affronter le démon n’avait-il pas dicté sa conduite ? Alors que Den n’avait strictement rien à voir avec lui ? Certain de ne jamais repiquer à ce genre d’idée fixe, Tephanis continua à étudier la forteresse en souriant. Korhez Soulin l’avait conçue pour déjouer les tactiques ordinaires des voleurs de tout poil, se couler d’ombre en ombre, agir à la faveur de la nuit. Mais comment s’en sortiraient ces sentinelles en voyant fondre sur elles une armée de démons ?
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeLun 17 Aoû - 13:58

Le lendemain soir, Tephanis revint discrètement à Portocal.

-Vous étiez avec Jarlax quand il a appris comment avait fini l’attaque, dit Sharlot Vespyr. Comment a-t-il réagi ?

-Avec sa nonchalance habituelle, répondit Tephanis. Jarlax dirige Bregan depuis des siècles. Il n’est pas du genre à trahir ses sentiments.

-Même face à Tephanis Aukrion, un homme capable de regarder quelqu’un dans les yeux et de lui dire ce qu’il a mangé la veille au soir ?

Le sourire de Sharlot disparut devant la graviter de son interlocuteur.

-Vous ne comprenez rien à nos nouveaux alliées, répondit-il d’un ton on ne peut plus sérieux.

-Venus nous conquérir…

Pour la première fois, la jeune femme laissait paraître ses véritables sentiments à propos des démons. Quelle surprise ! Qui n’aurait pas détesté promptement ces misérables démons ? Cela étant, Sharlot Vespyr avait toujours accepté les alliances douteuses du moment qu’elles lui apportaient la puissance dont elle rêvait.

-S’ils en décident ainsi, répondit Tephanis, toujours aussi sérieux. Les sous-estimer, sur quelque plan que ce soit, revient à inviter la mort chez soit, Sharlot.

Sharlot allait répondre quand elle se ravisa. Sa tentative de garder une expression indéchiffrable ne fut pas entièrement convaincante. Une fois n’était pas coutume, elle trahit des sentiments d’impuissance et de désespoir. Elle commençait à éprouver ce qu’il avait connu en Abîme, et ce qu’il ressentait de nouveau, particulièrement en présence de Ray et Kim. Côtoyer ces êtres à la beauté sauvage n’allait pas sans inspirer de l’humilité. Les démons en savaient toujours plus long qu’ils le devraient. Leur indéniable pouvoir, derrière leurs menaces subtiles, accentuait le mystère qui les entourait. Et cette foutue condescendance, à l’égard de tout ce qui n’était pas démoniaque. En la circonstance présente, où Bregan pouvait à tout instant prendre le contrôle du clan Basadoni, et par conséquent de Tephanis Aukrion, si Jarlax en décidait ainsi, ce mépris rappelait sans l’ombre d’un doute qui était le maître et qui était l’esclave. Tephanis décela la même impression en Sharlot et failli l’implique dans ses plans visant à investir Dallabad et à s’emparer de l’épée ensorcelée. La seconde suivante, il fut outré d’avoir manqué de commettre une erreur pareille. Ses sentiments envers Ray et Kim lui faisaient-ils perdre toute raison ? Toute sa vie, à de très rares exceptions près, Tephanis Aukrion avait fait cavalier seul et s’était servi de son intelligence pour éviter de se faire d’éventuels alliés involontaires. Plus des gens étaient dans la confidence et plus on fonçait dans le mur. Il faisait une exception avec Aelynda Winter qui, il en était sûr, ne le doublerait jamais. Même sous la torture des démons. Aux yeux du tueur, cela faisait toute la valeur de la fillette et de ses semblables. Sharlot, une autre paire de manches, la mettre au courant de ses plans concernant Soulin nécessiterait ensuite qu’il la surveille de très près. Selon toute probabilité, elle n’aurait rien de plus pressé que de tout déballer à Jarlax, ou pire à Ray et Kim. Et le cadavre de Tephanis lui mettrait le pied à l’étrier dan sa course à l’ascension sociale. Mais le tueur avait tout prévu. Par quelques allusions et mensonges bien placés, Aelynda inciterait la jeune femme à s’intéresser à Dallabad. Des plus prévisibles dès qu’on touchait à sa corde sensible, la cupidité, Sharlot en parlerait à Jarlax, soutenant ainsi les suggestions de Tephanis sur la question. Dallabad, une montagne de trésor à conquérir !

-Je n’aurais jamais cru que le Pacha Basadoni me manquerait, avoua la jeune femme, il s’agissait de la déclaration la plus révélatrice qu’elle ait faite jusque-là.

-Vous le haïssiez, lui rappela Tephanis.

Elle ne le nia pas, mais elle conserva la même attitude.

-Vous ne le craigniez pas autant que les démons. Et à juste titre, lui fit remarquer Tephanis. Par sa loyauté, Basadoni était prévisible. Au contraire des démons. Ils sont bien trop dangereux.

-Kim m’a dit que vous aviez vécu en Abîme, dit Sharlot. Comment y avez-vous survécu ?

-J’ai survécu parce qu’ils avaient bien d’autres choses à faire q’à écraser un moustique dans mon genre, répondit le tueur. Je n’étais, pour eux qu’un paria non démon qui ne valait pas la corde pour le pendre. Avec le recul, je pense que Jarlax m’a épargné afin d’étudier le comportement des humains de Portocal. Il avait déjà une idée derrière la tête. Sharlot gloussa.

-Je ne considérais pas Tephanis Aukrion comme un citadin typique de Portocal. Et si Jarlax avait pris comme postulat que vous étiez représentatif du genre humain, il ne serait pas venu s’implanter ici. Du moins, j’en doute. Même si toute l’Abîme avait marché sur ses talons…

Dune révérance courtoise, le tueur accepta le compliment. Même si la flatterie l’indifférait. A ses yeux, on était bon ou on ne l’était pas. Toutes les flagorneries n’y changeaient rien.

-Dans notre propre intérêt, ce sera notre but : faire en sorte que les démons restent très occupés. Les visées expansionnistes de Jarlax jouent pour nous. Tant que le clan Basadoni restera en guerre, nous serons en relative sécurité.

-Mais pas au sein de la ville, répondit Sharlot. Les autorités, qui commencent à prendre note de nos mouvements, ne tarderont pas à réagir. Nous n’aurions rien à craindre tant que les démons livreront bataille, à condition que les conflits ne dépassent pas le cadre des clans.

Ravi, Tephanis hocha la tête. Les suggestions d’Aelynda portaient déjà leur fruit. L’intelligente jeune femme en était vite arrivée aux conclusions voulues. Si le clan Basadni visait trop haut et enchaînait les succès foudroyants, son secret serait vite éventé. Et quand le royaume de Calim découvrirait la présence de démons sur son territoire, il mettrait tout en œuvre pour éradiquer la menace. Au début, Tephanis avait envisagé ce scénario. Avant de le repousser. Si Bregan se repliait, ce ne serait pas sans exterminer au préalable le clan Basadoni. Une catastrophe à éviter, sauf en cas d’urgence absolue.

-Mais vous avez raison, continua Sharlot. Il faut garder occupé leur bras armé.

Souriant, Tephanis résista aisément à la tentation de lui révéler ses plans contre Kohrez Soulin. Aelynda s’en occuperait. Et Sharlot jouerait son rôle sans se douter un instant que le tueur l’utilisait à son avantage. En tout cas, pas pour le moment. Alors, Tephanis déciderait peut-être de la tuer. Pour lui, qui avait souvent eu à pâtir des menées de l’intrigante, l’éventualité n’avait rien de déplaisant.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeLun 17 Aoû - 14:00

133 lignes = 13300 points d'xp et 6650 Zénis
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeLun 17 Aoû - 16:26

Tephanis Aukrion reconnut la voix, mais pas le ton. Malgré les mois passés avec Jarlax, en Abîme comme à la surface du monde, c’était la première fois qu’il l’entendait se mettre en colère. Le démon incendiait Ray et Kim ! Tephanis en fut aussi intrigué que ravi.

-Ca symbolisera notre ascension ! Rugit Jarlax.

-Ca attirera l’attention de nos ennemis ! Objecta le psionique.

-Ils y verront simplement l’avènement d’un nouveau clan, insista Jarlax

-De telles naissances ne sont pas rares, intervint Ray sur un ton plus mesuré.

Tephanis choisit cet instant pour apparaître. Les trois démons se faisaient face. Un quatrième, Baenre, était confortablement assis contre un mur.

-Ils ignoreront que des démons sont les bâtisseurs de cette tour, continua Ray après un coup d’œil méprisant à l’humain. Ils y verront un nouveau fleuron du clan Basadoni. Rien d’autre.

-Ils savent déjà que sa puissance a augmenté, dit Jarlax.

-Ils le soupçonnent, comme ils soupçonnent que le vieux Basadoni est mort, répondit le magicien. Inutile de leur confirmer. C’est à eux de le découvrir touts seuls.

Jarlax plissa le front. Ce jour-là, le bandeau magique couvrait son œil gauche. Il tourna ensuite brusquement la tête vers Tephanis.

-Vous connaissez cette ville mieux que nous. Qu’en dites-vous ? J’envisage d’édifier une tour, une version de Shinibon similaire à celle où vous avez vaincu et tué Den. Mes associés craignent que ç incite les autres clans à prendre des mesures. Les hautes autorités de Portocal risqueraient de réagir.

-Le clan des magiciens le ferait, c’est certain, répondit Tephanis. Il est redoutable.

Apparemment surpris que l’humain n’ait pas instantanément pris fait et cause pour lui, Jarlax recula d’un pas.

-Les clans construisent sans cesse de nouveaux édifices ! Protesta-t-il. Et certains sont d’un luxe insolent ! Ma tour, en comparaison, ferait presque minable !

-Mais ces clans font appel à qui de droit : des artisants, et des magiciens quand la magie est nécessaire, répondit Tephanis qui réfléchissait à toute vitesse, pris de court par ce plan de casse-cou.

Il n’avait aucune envie de soutenir Ray et Kim. Une telle alliance ne le servirait pas. Mais, de là à ériger une image de Shinibon au milieu de Portocal ! Une idée idiote, à tout le moins.

-Et voilà ! Gloussa le magicien. Même votre laquais doute que ce soit sage ou réalisable.

-Ne mettez pas vos paroles dans la bouche des autres, Ray ! Riposta Tephanis.

S’attirant ainsi un regard brûlant de haine. Ray allait-il l’attaquer ? Ici et maintenant ?

-Jarlax, continua le tueur, même si ça n’a rien d’impossible, ériger une tour en ville nous attirerait une multitude d’ennuis. Mais bon…Nous pourrions engager un magicien très en vue qui nous servirait de couverture. Et choisir un emplacement périphérique, à la lisière du désert, faciliterait les choses. D’autant que la tour profiterait dans ce cas d’un ensoleillement maximal.

-Il s’agit d’édifier un symbole de puissance, dit Jarlax. Ce ne sont pas les lézards et les vipères du désert que je compte impressionner avec !

-Bregan a toujours eu intérêt à dissimuler sa force, osa rappeler Kim. Allons-nous abandonner une politique aussi profitable dans un monde qui nous est inconnu ? Vous semblez souvent oublier qui nous sommes, Jarlax, et où nous nous trouvons.

-Nous pouvons dissimuler la véritable nature de la tour pour une petite fortune, dit Tephanis. Et je dénicherai peut-être l’emplacement idéal, Jarlax. Ainsi, Kim et Ray seront satisfaits…

-Faites donc ça ! Riposta le magicien. Prouvez votre utilité et donnez-moi tort.

Tephanis prit le compliment sans sourciller. Il avait déjà en tête l’endroit rêvé. Un moyen de monter un peu plus Bregan contre Kohrez Soulin et l’oasis Dallabad.

-Une réaction quelconque des Ratisseurs ? Lança Jarlax en se dirigeant vers un côté de la pièce et en s’asseyant.

-En ce moment même, répondit Tephanis, Sharlot Vespyr rencontre le Pacha Daclan.

-Ne la tuera-t-il pas pour la punir ? Demanda Kim.

-Ca ne serait pas une grosse perte, ironisa le magicien.

-Le Pacha Daclan est trop intrigué pour…, commença Tephanis.

-…Trop impressionné, vous voulez dire…, coupa Ray.

-…Trop intrigué, insista le tueur, pour agir sur un coup de tête. La perte d’un avant-poste mineur ne le chagrinera pas. Evaluer nos véritables forces et nos intentions le motivera bien d’avantage. S’il tue Sharlot, ce sera plutôt pour voir si cela provoquerait une réaction de notre part.

-Dans ce cas, nous l’éliminerons, lui et son clan, décréta Jarlax.

Beaucoup de sourcils se levèrent. Tephanis fut moins surpris que les autres. Le tueur commençait à soupçonner qu’il y avait de la méthode sous l’apparente folie de Jarlax. En temps normal, il aurait trouvé un moyen de générer des bénéfices mutuels en pactisant avec un homme aussi puissant que le Pacha Daclan, actuel chef des Ratisseurs. Le démon gaspillait rarement du temps, de l’énergie et des combattants à éliminer ses concurrents, pas plus que nécessaire en tout cas. Pour l’instant, la faim de Jarlax, loin d’être assouvie, augmentait sans cesse. Tephanis ne s’inquiétait pas outre mesure. Tôt ou tard, il y trouverait sans doute son intérêt.

-Avant de nous décider à entreprendre quoi que ce soit contre Daclan, il faut miner ses soutiens extérieurs, observa-t-il.

-Ses soutiens extérieurs ? Reprirent en cœur Jarlax et Ray.

-Le Pacha Daclan a le bras long, expliqua Tephanis. Il a dû se forger un cercle de défense, peut-être au-delà des murs d’enceinte de la ville.

Devant l’expression des démons, le tueur avait comprit qu’il avait posé avec succés les bases de l’opération à venir. Pour l’instant, il n’y avait rien à ajouter. En vérité, il connaissait trop le pacha pour croire qu’il blesserait ou tuerait Sharlot Vespyr. Ce genre d’acte brutal ne lui ressemblait pas. Au contraire, le vieux bandit encouragerait le dialogue. De toute évidence, pour que les Basadoni aient osé s’en prendre ouvertement à un de ses avant-postes, il fallait qu’ils aient de puissants alliés ou de nouvelles armes. Le Pacha Basadoni était-il vraiment mort, ainsi que l’affirmait la rumeur ? L’arrogance des nouveaux chefs avait-elle précipité cette offensive ? Ou s’étaient-ils permis d’agir sur la foi de solides informations ? Si Sharlot, que la mort supposée de son pacha avait certainement propulsé au sommet de la hiérarchie, venait le voir en personne, la seconde hypothèse, celle des renseignements, semblerait mieux expliquer l‘attaque de l’avant-poste. Et dans ce cas de figure, le Pacha Daclan n’allait sûrement pas inviter le désastre à frapper. Bref, Sharlot avait toutes les chances de quitter le pacha bien en vie. Du coup, elle prêterait l’oreille aux assertions d’Aelynda. Plus tard dans la nuit, en reparaissant devant Jarlax, elle lui confirma l’existence d’un allié de Daclan hors de la ville. Et dont le fief, expliquerait ensuite Tephanis, serait l’endroit idéal pour ériger la tour dont rêvait le chef des démons. En somme, pour Tephanis Aukrion, tout semblait se dérouler à merveille.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeLun 17 Aoû - 16:32

-Réduisez au silence Kohrez Soulin, expliqua Sharlot Vespyr à Jarlax le soir même. Et le Pacha Daclan n’aura plus de voix hors de Portocal.

-Quel besoin en a-t-il ? Répondit Jarlax. Vu les rapports de mes lieutenants et le vôtre, l’humain a trop de soutien ici même pour qu’on envisage une conquête…

-Mais cela échappe peut-être au Pacha Daclan, répondit Sharlot sans la moindre hésitation.

D’évidence, la jeune femme y avait réfléchi. Elle était revenue tout excitée de son entretien avec le pacha, puis avec les espions des rues. Si elle ne tenait rien de concret, elle avait pourtant acquis une certitude, Daclan était sur la défensive. L’éradication de son avant-poste l’inquiétait plus qu’il veuille l’admettre. Il ne voyait pas quelle était la nouvelle source de puissance des Basadoni. Et il en devenait nerveux. Jarlax posa sonmenton anguleux dans sa délicate main noire.

-Il croit que le Pacha Basadoni est mort ? demanda Jarlax pour la troisième fois.

Et pour la troisième fois, elle répondit :

-Oui.

-Cela n’affaiblirait-il pas le clan ?

-Dans votre monde, peut-être, mais ici, la perte d’un chef entraîne au pire de l’instabilité…De quoi inquiéter ses rivaux, en vérité. En général, les clans ne se font pas la guerre. Tous en pâtiraient. Au fil des années, voire des décennies, les pachas l’ont bien compris et ont toujours transmis ce sage enseignement à leurs descendants ainsi qu’à leurs successeurs, et ce depuis des générations.

Cette logique n’échappa pas à Jarlax, même s’il conserva son air intrigué histoire d’inciter la jeune femme à continuer. En fait, il en apprenait plus sur elle, en l’écoutant parler, que sur les infrastructures des clans de Portocal.

-Suite à notre attaque, continua Sharlot, Daclan ajoute d’avantage foi aux rumeurs sur la mort du Pacha Basadoni. Le vieux chef enterré, ou évincé, ce qui revient au même, son clan n’en devient qu plus dangereux.

Elle afficha un sourire malicieux et sarcastique.

-Donc, à chaque coup, l’avant-poste, puis bientôt l’oasis Dallabad, nous affaiblissons Daclan en minant ses certitudes…

-Et en me facilitant la négociation d’un traité avantageux avec les Ratisseurs, renchérit Sharlot. Histoire de nous apaiser, le Pacha Daclan pourrait peut-être même nous céder le quartier où se trouvait l’avant-poste éliminé. De toute façon, il n’y dispose plus de base d’opérations.

-Donc, ça n’aurait rien d’extraordinaire.

-Certes, mais songez au respect des autres clans, quand ils apprendraient que Daclan vous a concédé une partie de son territoire après votre agression ! Susurra Sharlot.

Sa rouerie continuait à enchanter son amant, qui éprouvait de plus en plus de respect pour elle.

-L’oasis Dallabad ? Demanda-t-il.

-Un trésor ! Répondit aussitôt Sharlot. Sans parler de l’avantage que ça nous donnerait contre Daclan.

Après réflexion, Jarlax hocha la tête d’un air entendu en désignant le lit. La perspective de s’enrichir ou de gagner en puissance lui avais toujours fait l’effet d’un aphrodisiaque.

Plus tard dans la nuit Sharlot congédiée afin qu’il puisse réfléchir en paix, le démon faisait les cents pas. A en croire sa maîtresse, si mal renseignée par Aelynda, l’oasis Dallabad servait au Pacha Daclan de relais pour les nouvelles transmises par ses lointains alliés. Sous la coupe d’un fonctionnaire insignifiant, Soulin, Dalladab était une base indépendante des Ratisseurs ou de toute autres clans de Portocal. Et Soulin monnayait ses informations. Parfois, avait ajouté Sharlot., il emportait un droit de passage surtout le secteur nord-ouest. Tout en continuant à faire les cent pas, Jarlax compara ces éléments aux suggestions de Tephanis Aukrion quand il sentit l’intrusion télépathique de son tout nouvel allié. Il se contenta d’ajuster son bandeau magique pour repousser l’appel. Il devait y avoir un lien entre la position fragile de Dallabad et sa soudaine commodité. Tephanis n’avait-il pas suggéré que Jarlax s’empare d’un terrain en dehors de Portocal pour y ériger une tour ? Et maintenant ça, le lieu rêvé sur un plateau. Un plat de choix pour Bregan. L’intrusion mentale se fit plus pressante. La plus forte que Jarlax ait ressentie via son bandeau magique.

-Il veut quelque chose ! Lança Shinibon dans le crâne du démon.

Jarlax allait le chasser de nouveau, espérant y voir plus clair par lui-même, mais le morceau de cristal sauta aux conclusions.

-Tephanis Aukrion a des objectifs cachés ! Insista le cristal. Régler de vieux comptes, ou s’approprier un trésor…

-Pas de vieux comptes, décidé le démon à voix haute en enlevant le bandeau pour qu’il puissent mieux communiquer. Si c’était le cas, Tephanis s’occuperait personnellement du vieux Soulin. Il s’enorgueillit toujours de n’avoir besoin de personne pour mener ses affaires.

-Selon vous, la brusque popularité de l’oasis Dallabad serait le fruit du hasard ? Demanda le cristal, et avant que Jarlax puisse esquisser la moindre réponse, Shinibon précisa : En voulant lancer une attaque contre la forteresse Dallabad, Tephanis Aukrion a son idée derrière la tête. Il n’y a aucun doute là-dessus. Selon toute vraisemblance, Dallabad effraierait le Pacha Daclan et nous mettrait en position de force face à lui. Exactement ce qu’ils ont fait !

-Plus vraisemblablement, Tephanis s’est arrangé pour que nos informateurs arrivent à la même conclusion, argua Jarlax en gloussant.

-Et s’il y voyait une façon de nous pousser à la ruine ? Afin de se libérer et de régner seul ?

Jarlax secoua la tête avant même que le cristal ait terminé sa phrase.

-S’il le souhaitait, il trouverait un prétexte pour quitter la ville.

-Pour filer aussi loin qu’Orok le Rogue, peut-être ?

Touché, Bregan l’avait déjà prouvé : à la surface du monde aussi, son bras était long. Peut-être assez pour atteindre un déserteur. Néanmoins, Jarlax restait sceptique. D’abord, Tephanis Aukrion savait que Bregan ne se lancerait pas à l’aveuglette contre quelque cible que ce soit. Ensuite, ce genre de manigance visant à précipiter la chute des démons serait trop risqué. De plus, ne serait-il pas nettement plus simple de dévoiler aux autorités du Calim qu’une bande de démons avait investi Portocal ? Jarlax fit part de ses réserves à Shinibon et arriva à la conclusion que l’oasis devait abriter un fabuleux trésor. Le démon ferma les yeux et prit connaissances des impressions du morceau de cristal. Il rit de nouveau et fut ravi de constater qu’ils étaient tous les deux sur la même longueur d’onde. Ils se sentaient plus impressionnés et amusés que courroucés. Quelles qu’aient été les motivations réelles de Tephanis, et que le rapport entre Dallabad et le Pacha Daclan ait été fondé ou pas, l’oasis semblait une conquête très prometteuse. Plus encore pour Shinibon que pour le démon, car l’artefact s’était montré très clair : il lui fallait une représentation de sa puissance, une tour susceptible d’emmagasiner l’éclatante lumière du soleil. Il s’agirait d’une avancée certaine vers son objectif final.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeLun 17 Aoû - 20:16

101 lignes = 10100 points d'xp soit 5050 Zénis
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeJeu 20 Aoû - 12:35

Bras tendu, Kohrez Soulin se concentra sur le gantelet noir à lacets rouges qu’il portait à la main droite. Des lacets qui paraissaient vibrer, une sensation familière pour le vieil homme reclus. Quelqu’un tentait de percer ses barrières et d’observer l’oasis Dallabad. Soulin se concentra de plus belle sur le gant magique. Récemment, un certain Indis Fantur, de Portocal l’avait contacté avec l’espoir qu’il serait disposé à se séparer de son épée bien-aimée, la griffe de Charon. Naturellement, cette idée absurde lui avait fait lever les bras au ciel. L’artefact lui était plus cher que toutes ses femmes réunies et l’ensemble de sa nombreuse progéniture. Pourtant, on lui avait offert un pris de roi. Après tant d’années, Soulin était en possession de la Griffe de Charon et connaissait assez le fonctionnement des clans pour se douter que son refus catégorique ne lui attirerait rien de bon. Apprendre qu’on cherchait à l’espionner n’avait donc rien d’inattendu. Ses investigateurs lui ayant murmuré que l’acquéreur pouvait être Tephanis Aukrion en personne, et avec son clan Basadoni, Soulin se tenait particulièrement sur le qui-vive. Après avoir constaté l’absence de faille dans les défenses de la forteresse, Tephanis et ses sbires passeraient à des objectifs moins coriaces. En se plongeant plus profondément dans les méandres d’énergie du gantelet, Soulin eut de nouvelles appréhensions. Cette fois, le voleur risquait de ne pas se laisser si aisément dissuader. Il ne s’agissait pas de sorcellerie ni de divination. Non, cette énergie-là était différente, mais elle ne dépassait pas l’entendement de Soulin et du gantelet. Elle était simplement d’origine…

-…Thaumaturgique ! S’exclama le vieil homme en jetant un coup d’œil à ses lieutenants.

Tous étaient au garde-à-vous dans la salle du trône. Trois d’entre eux étaient ses enfants. Le quatrième était un grand stratège originaire de Memoon, et le cinquième un voleur réputé, mais retiré des affaires, natif de Portocal. Un ancien du clan Basadoni, de surcroit.

-Si c’est bien eux, Tephanis Aukrion et les Basadoni ont recruté un psionique !

Les cinq lieutenants marmonnèrent entre eux à propos des conséquences que cela pourrait avoir.

-Voilà qui explique peut-être les succès répétés de Tephanis depuis tout ces mois, dit Dania, une des filles de Soulin.

-Aukrion ? Ricana Preel, le vieux voleur. Sa force de caractère est son arme principale ! Avec ses prouesses de bretteur, il n’a jamais eu besoin de thaumaturges.

-En tout cas, ceux qui convoitent mon trésor ont accès aux pouvoir de l’esprit, dit Soulin. Et ils croient avoir un avantage après avoir détecté des faiblesses exploitables. Ça les rend plus dangereux. Autant nous préparer tout de suite à une attaque.

Les cinq lieutenants se crispèrent. Pourtant, ils ne parurent pas alarmés outre mesure. Les clans de Portocal n’ourdissaient pas de grande conspiration contre Dallabad/ Kohrez Soulin en avait payé la confirmation au prix fort. Ils savaient tous les cinq que même deux ou trois clans, uni pour l’occasion, n’auraient pas le pouvoir d’investir l’oasis, pas tant que Soulin détiendrait l’épée et le gantelet, des artefacts aptes à déjouer toute sorcellerie.

-Les soldats ne passeront pas nos murailles, assura Dania avec un sourire en coin. Les voleurs ne pourront pas y pénétrer en se coulant d’ombre en ombre.

-A moins de recourir à de diaboliques pouvoirs mentaux, lança Preel, avec un regard entendu au père de la jeune femme, qui se contenta d’en rire.

-Nos voleurs en puissance croient avoir détecté des failles, répéta-t-il. Mais grâce à cela, je vais pouvoir les arrêter. Et, naturellement, j’ai d’autres moyens à ma disposition.

Tous échangèrent un sourire complice. Ils devaient repenser au sixième lieutenant de la forteresse, un être qui passait aussi peu de temps possible avec les humains et qui servait surtout d’instrument de torture vivant.

-Je vous confie les défenses concrètes de Dallabad, dit Soulin. Je m’occuperai des pouvoirs de l’esprit.

Il les congédia puis revint s’asseoir. Il revint à son puissant gant noir et à ses lacets rouges qui le parcouraient comme autant de vaisseaux sanguins. Oui, il pouvait sentir qu’on tentait de l’espionner. S’il espérait encore que ses ennemis potentiels renonceraient à leur projet, il savait, dans le cas contraire, qu’un peu d’excitation ne lui ferait pas de mal. Ce serait certainement aussi l’avis de Harask.

Bien au-dessous de la salle du trône, dans des tunnels dont très peu de soldats connaissaient l’existence, Harask avait conscience qu’une énergie psychique sondait l’oasis. Harask était un fragelleur. Il avait l’aspect d’un humanoïde à grosse tête. Son bulbe hypercéphale était muni, en guise de nez, de bouche et de menton, de plusieurs tentacules. Les flagelleurs avaient une grande force physique, mais leur véritable pouvoir résidait dans leur esprit. En comparaison, les télépathes humains et démons étaient lisibles. D’une simple déflagration mentale, les flagelleurs écrasaient n’importe quel adversaire. Son esprit anéanti, le vaincu était ensuite asservi, ou figurait au menu du vainqueur. Ses tentacules plaqués sur le crâne du malheureux, le flagelleur lui aspirait la cervelle. Harask travaillait depuis des années pour Kohrez Soulin qui estimait avoir passé un marché équitable avec la créature après l’avoir paralysée au terme d’un court affrontement. Le gantelet ayant repoussé l’attaque mentale du flagelleur, Soulin, armé d’une épée, l’avait eu à sa merci. En vérité, si l’homme avait choisi de frapper, Harask se serait contenté de se fondre dans la pierre en utilisant une énergie défensive que le gantelet n’aurait pu contrarier. Mais ainsi que le cerveau collectif de Harask l’avait prévu, Soulin n’avait pas poussé son avantage, préférant conclure un marché : La vie sauve plus un endroit confortable où méditer en paix, ou toute autre activité agréable aux flagelleurs, en échange de services dans le cadre de la défense de l’oasis Dallabad. Durant toutes ces années, Korhez Soulin n’avait jamais soupçonné un seul instant la vérité : en venant à Dallabad, Harask avait en fait accompli son devoir. Ses étranges semblables l’avaient choisi pour aller étudier le gantelet rouge et noir, et comprendre comment l’artefact magique pouvait si bien bloquer leurs attaques. A vrai dire, il en avait peu appris jusque-là, mais ça ne l’inquiétait pas. Les flagelleurs comptaient parmi les créatures les plus patientes de l’univers. Et ils avaient tendance à savourer l’effort davantage que la récompense. Dans son antre labyrinthique, Harask était ravi. Aujourd’hui, une force mentale titillait sa sensibilité, mais il savait déjà qu’il ne s’agissait pas d’un de ses semblables qui tentait de sonder l’oasis Dallabad. Aussi convaincu de sa supériorité que tout autre Flagelleur, il était plus intrigué qu’inquiet. Bien qu’un brin étonné que cet idiot de Soulin ait capté l’appel avec son gantelet. Et maintenant, l’appel était renvoyé à sa source, réorienté. Harask avait mené l’enquête de fon de son antre. En localisant la source d’énergie, il fut stupéfait que c’était un démon qui l’émettait.


-Haskkin ! cria instinctivement celui-ci. Le mot voulait dire flagelleur, avec une nuance de respect rare chez les démons.

-Dyan ? demanda Harask.

C’était le nom d’une cité de démon qu’il avait bien connue dans sa jeunesse.

-Abime.

-Famille Oblod, ajouta la créature.

Parmi les communautés de flagelleurs implanté, cette dynastie de démon était renommée.

-Plus maintenant, répondit Kim.

Harask sentit sans peine la colère du démon à mesure qu’il évoquait la chute de son arrogante famille. A l’époque des troubles, la magie avait cessé de fonctionner, mais pas la télépathie. Saisissant l’occasion, les chefs Oblod avait défié les premières maisons de l’Abime, à commencer par celle de Baenre. Ais les dieux leur avaient joué un mauvais tour. La télépathie momentanément impuissante, la magie était revenue en force. En réponse aux menaces de la maison Oblod, Baenre l’avait anéantie. Grace à ses liens avec Bregan, seul Kim avait pu battre en retraite dans le gouffre de la griffe.


-Vous voulez conquérir l’oasis Dallabad ? Demanda Harask.

Il ne doutait pas que le démon répondrait. Lors d’une fusion mentale, on se confiait volontiers, au mépris de la loyauté due à son espèce.

-Dallabad sera nôtre avant la fin de la nuit, répondit Kim.

La liaison fut brusquement coupée. Harask comprit pourquoi en voyant Kohrez Soulin entrer dans sa cellule, le gantelet maudit à la main droite. Le flagelleur s’inclina devant son maître.

-Nous sommes sous surveillance, lança ce dernier, très agité, alors qu’il se tenait devant l’épouvantable flagelleur.

-L’œil mental, répondit le flagelleur. Je l’ai senti.

-Puissant ?

Harask transmit mentalement l’équivalent flagelleur d’un haussement d’épaules résigné. Et manifesta son manque de respect pour tout psionique étranger, fût-ce le rejeton d’une maison démoniaque bien connue parmi les siens. Mais, bien que le flagelleur ne se sente pas exagérément concerné par cette riposte contre le psionique démon, il connaissait suffisamment les démons pour savoir que celui-là serait d’évidence le cadet des soucis de Soulin.

-Le pouvoir est un concept des plus relatifs, répondit Harask, d’un ton énigmatique.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeJeu 20 Aoû - 12:39

En gravissant l’escalier en colimaçon qui le ramenait au rez-de-chaussée de sa demeure palatiale, Kohrez Soulin sentit un picotement d’énergie et se mit à courir dans les marches, poussant ses muscles à la limite de l’épuisement, sans pour autant que ses vieux os lui fassent mal. L’offensive était-elle lancée ? Il se calme, ralentit son allure et, haletant, reprit son souffle. Plus intrigués qu’effrayés, ses soldats bavardaient tout en s’équipant.

-Est-ce la vôtre, père ? demanda Dania, ses yeux sombres pétillant.

Kohrez la regarda, confus. Elle l’entraîna devant une fenêtre orientée plein est. Au milieu de l’oasis Dallabad, dans l’enceinte de la forteresse, une tour de cristal étincelait au soleil. Une image de Shinibon, la carte de visite du destin. La main droite de Kohrez Soulin le picota lorsqu’il regarda la construction magique. Son gantelet rouge et noir pouvait capturer l’énergie et la renvoyer à sa source. Jusqu’à présent, l’artefact l’avait toujours bien servi. Mais à la vue de cette tour surgie du néant et de ce qu’elle représentait, Soulin s’avisa brusquement que ses jouets n’étaient que ça. Inutile d’essayer pour deviner que le gantelet n’absorberait jamais l’écrasante énergie magique de cet édifice. De toute façon, tenter cette folie lui coûterait la vie. S’imaginant recyclé en gargouille, au sommet de la tour magnifique, Kohrez Soulin frémit.

-Est-ce la votre, père ? Insista Dania.

Tout enthousiasme admiratif la quitta quand il se tourna vers elle, le teint de cendre.

A l’extérieur de l’enceinte de la forteresse Dallabad, à l’ombre d’une palmeraie, entouré de sphères, Jarlax envoya un signal à la tour. Une partie du mur s’allongea pour former un tunnel qui vint mourir aux pieds du démon. Ses sbires déployés, Jarlax gravit les marches du tunnel pour pénétrer dans la tour ? D’une simple pensée adressée au morceau de cristal, il sit se rétracter le tunnel, se murant lui-même au sommet de l’édifice. De ce point d’observation privilégié qui lui offrait une vue plongeante sur la cour intérieure de la forteresse Dallabad, Jarlax put assister à son aise au déroulement des opérations.


-Pourrais-tu baisser la lumière, Shinibon ? Demanda-t-il télépathiquement à la tour.

-La lumière, c’est la force, répondit Shinibon.

-Pour toi, peut-être, insista le démon. Pour moi, c’est inconfortable.

Il ressentit un curieux picotement. Un éclat de rire ? L’artefact épaissit son mur de cristal, à l’est, assombrissant les lieux. Il fournit aussi un siège flottant au démon, qui dériverait ainsi à sa guise à la recherche du meilleur angle de vue.

-Tephanis Aukrion participera à l’attaque…, ajouta Shinibon en envoyant le siège vers le côté nord de la pièce.

Jarlax regarda en contrebas, au-delà de la muraille de la forteresse, et étudia les tentes, les arbres et les roches qui se dressaient là. Puis il repéra une silhouette furtive.

-…Alors qu’il n’avait pas pris part à l’offensive contre le Pacha Daclan…, ajouta Shinibon.

Jarlax se faisait déjà la même réflexion. Conclusion, le tueur mijotait quelque chose. Cela ne concernait peut-être pas Bregan, ou ça aurait au contraire des conséquences sur la hiérarchie de l’organisation. En tout cas, Jarlax et Shinibon trouvaient cela plus amusant que menaçant. Le siège dériva de l’autre côté de la pièce, entraînant les démons devant la première vague d’assaut qui visait à faire diversion : des sphères d’énergies flottèrent au sommet de la muraille d’enceinte. Un vent de panique souffla parmi les soldats qui reculèrent en courant. Leurs chefs crièrent de former une ligne défensive. A l’instant où la véritable attaque était lancée. Des entailles mêmes de la cour. En la traversant, Ray avait lancé une série de sorts passe-murailles à l’aide d’une baguette jusqu’à un boyau naturel situé sous la forteresse, faisant ainsi s’évanouir tout un pan de terre. Aussitôt, les démons de Bregan avaient surgi en lévitant dans la cour au sol grêlé par magie. L’utilisation des sphères d’énergies acheva de plonger les humains dans l’épouvante.

-Nous aurions dû attaquer cette nuit, dit Jarlax à vois haute.

-Je suis plus puissant le jour, répondit Shinibon.

Jarlax comprit le sous-entendu : bien davantage que Bregan. Un rappel qui ne s’encombrait pas de subtilité. Et une assurance qui déconcerta le démon, pour des raisons qu’il avait encore du mal à s’expliquer.

Dans le trou, Ray distribuait les ordres aux démons impatients de monter au combat. Ce jour-là, le magicien était particulièrement agité, le sang bouillonnant dans ses veines, comme toujours à l’orée d’une conquête par les armes. Mais que Jarlax ait décidé de lancer l’offensive à l’aube n’avait rien pour lui plaire. Quelle mouche le piquait pour désavantager ainsi ses propres hommes, les fils des ténèbres ? Tout ça pour ériger une tour d’observation ? Certes, devant l’édifice surgi de nulle part, les défenseurs ne pouvaient plus douter des ressources des attaquants. Ray ne sous-estimait pas l’impact terrifiant de ce tour de force. Mais chaque fois qu’il voyait un des guerriers plisser le front en passant de l’obscurité au soleil, il grinçait des dents, agacé par le comportement surprenant de Jarlax. En outre, se dévoiler ainsi à l’ennemi était un pari audacieux. N’aurait-on pu, comme avec le Pacha Daclan, conquérir également Dallaad en recourant à des soldats humains ou diablotins ? Pendant que les démons s’infiltraient discrètement dans la place ? Après tout, que resterait-il de l’oasis Dallabad ? Les éventuels survivants, et ils seraient sans doute nombreux puisque les démons avaient décidé de mener l’assaut avec des armes enduites d’un soporifique. Se rappelant sa place au sein de la hiérarchie, Ray songea qu’il faudrait de la part de Jarlax une faute monumentale, de nature à coûter la vie à nombre de démons, pour qu’il puisse envisager de l’évincer. Cela arriverait-il plus tôt que prévu ? Aujourd’hui même… ? Au-dessus de la tête du magicien, les cris changèrent de registre. Il leva la tête et remarqua que le soleil brillait plus fort et que les sphères d’énergie s’étaient dissipées. Le trou foré par magie se combla, piégeant momentanément deux ou trois démons en pleine lévitation. Le phénomène fut de courte durée. En tout cas, les démons venaient mourir, pulvérisés par une masse de terre. Le magicien pesta contre Jarlax, tout bas. Qui vivrait verrait, se rappela-t-il prudemment. Même si l’attaque se soldait par un échec, peut-être y trouverait-il son avantage, au final.

Kohrez Soulin recula d'un bond. Des démons, à Dallabad ! Et la contre-offensive magique venait de saturer son précieux gantelet. Soulin était sorti dans la cour rallier des soldats, lame rouge sang de la Griffe de Charon au clair. En la brandissant face à la mêlée obscurcie par les sphères, il laissait des traînées noirâtres dans les airs. Des cris de douleur et de terreur éclatèrent. Disperser ces sphères ne fut pas un mince exploit pour le gantelet. Refermer le trou par où surgissait toujours plus d'ennemis non plus. Mais Soulin fut presque terrassé par le contrecoup magique, d'une force et d'une pureté irrépressibles. Et qui venait de la tour de cristal. Anéanti, Soulin battit en retraite dans sa forteresse après avoir ordonné à ses hommes de se battre jusqu'au dernier. En remontant à la course le couloir presque désert qui conduisait à ses appartements, sa chère Dania sur les talons, il cria à Harask de le téléporter en sécurité. Il n'obtint aucune réponse.


-Il m'a entendu, pourtant ! Lança-t-il à sa fille. Dès qu'il pourra, Harask nous tirera de là. Puis nous courrons prévenir les seigneurs de Portocal de l'invasion des démons !

-Les pièges et les serrures garderont nos ennemis à distance.

Malgré la nature surprenante de ces adversaires, la jeune femme le croyait sincèrement. Les longs couloirs qui grêlait le corps principal de la forteresse, globalement circulaire, étaient défendu par de solides portes en pierre et en bois bardées de fer aptes à repousser toutes sortes d'offensives, magique ou pas. En outre, le nombre impressionnant de traquenards et de chausse-trappes entre la muraille extérieure et le sanctuaire de Kohrez Soulin tiendrait en échec le plus chevronné des voleurs. Mais pas le plus rusé...

A l'insu de tous, Tephanis Aukrion était parvenu au pied du mur nord de la forteresse. En temps ordinaire, cet exploit n'aurait pas été réalisable en raison du terrain découvert qui couvrait près d'une centaine de pieds entre les arbres, les tentes, les roches, les mares et Dallabad. Mais les circonstances étaient particulières. Après l'apparition d'une tour dans l'enceinte de la forteresse, les gardes avaient cherché à comprendre. Était-ce un tour de force magique augurant d'une invasion, ou quelque projet secret du maitre des lieux, Kohrez Soulin ? Les sentinelles postées en haut des remparts écarquillaient les yeux. Sous son manteau, tephanis continuait à se faufiler dans la place sans risque d'être vu, même si une des sentinelles se penchait par dessus les créneaux. Le tueur attendit d'entendre le fracas des combats à l'intérieur de la forteresse. Aux yeux d'un néophyte, les murailles de la forteresse paraissaient trop polies pour êtres escaladées, leurs jointures en marbre blanc offrant un agréable contraste avec le granit gris et le grès marron. Mais aux yeux de Tephanis, c'était d'avantage un escalier qu'un mur, tant les prises abondaient. En un éclair, il parvint au sommet de la muraille et risqua un coup d'œil dans la cour. Près de lui, deux sentinelles qui ne se doutaient de rien réarmaient leurs armes, les yeux rivés sur la mêlée confuse, en contrebas. Sans un bruit, le tueur enjamba le parapet. Et descendit quelques instants plus tard, en tenue de sentinelles, dans la cour où la bataille faisait rage. Il se joignit à des soldats qui couraient dans la bonne direction puis leur faussa compagnie pour se fondre à nouveau dans l'ombre. De là, il aperçut korhez Soulin, près de l'entrée du bâtiment. Le maitre du clan maniait sa fabuleuse épée avec l'espoir d'enrayer la magie démoniaque. Tephanis réussit à entrer dans la forteresse avant Soulin et sa fille et à remonter les couloirs au pas de course. Il fila devant des portes ouvertes et des pièges qui restaient amorcer, Soulin, sa fille et deux gardes dans son sillage. Le tueur parvint devant les appartements du vieil homme avec assez d'avance pour désamorcer des alarmes et des pièges qui, eux, étaient activés. Ainsi, quand Dadin Soulin poussa à son tour la magnifique porte ornée de feuilles d'or pour y conduire son père en sécurité, croyait-elle, Tephanis Aukrion s'y trouvait déjà, embusqué derrière une tenture qui tombait du plafond jusqu'au sol.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeJeu 20 Aoû - 12:48

Le long de la muraille ouest, trois soldats de Dallabad, bien armés, bien équipés leur armure brillante les protégeant de façon satisfaisante, affrontaient trois démons. Si terrifiés soient-ils, les hommes avaient gardé assez de présence d'esprit pour former un triangle défensif, dos au mur. Déployés, les démons attaquèrent, leurs étonnantes épées, deux chacun, tournoyant à une telle vitesse qu'un œil humain ne pouvait distinguer leurs moulinets. Les défenseurs tinrent bon. Parant et bloquant les coups, ils ravalèrent leurs cris de frayeur, refoulant une panique qui les eût incités à contre-attaquer à l'aveuglette, et à mourir comme tant d'autres de leurs camarades, autour d'eux. Peu à peu, échangeant des interjections sur les mouvements adverses, le trio commença à mieux cerner la brillante chorégraphie démoniaque, assez en tout cas pour riposter au bon moment. Tenant sagement leurs positions, les humains purent résister quelque temps avec succès. Ils s'abstenaient de chercher à tirer profit de leur avantage chaque fois qu'un démon reculait, apparemment débordé. Les lames s'entrechoquaient. Les épées magiques fournies par Kohrez Soulin à ses meilleurs soldats soutenaient la comparaison avec les armes démoniaques. Les démons échangèrent à leur tour quelques interjections incompréhensibles pour les humains. Puis il revinrent à la charge, leurs six lames cisaillant les airs avec un bel ensemble. Les boucliers et les épées adverses se dressèrent aussitôt pour relever le défi. Puis les trois hommes virent, sans le comprendre, leurs adversaires lâcher une de leurs épées. Lames et boucliers dressés, ils s'avisèrent trop tard de leur vulnérabilité en entendant le cliquetis de trois arbalètes de poing. Des carreaux se fichèrent dans leur abdomen. Les démons reculèrent d'un pas. Tonak, le défenseur central, lança à ses frères d'armes qu'il était touché mais se sentait bien. Son compagnon de gauche voulut répliquer que lui aussi allait bien, mais il avait la langue pâteuse. La seconde suivante, Tonak le vit s'écrouler. Son camarade de droite gisait déjà dans la poussière. Resté seul, Tonak recula contre le mur pendant que les démons récupéraient leurs épées. Si ce que cracha l'un d'eux échappa à l'humain, son expression était assez éloquente.

-Tu aurais dû dormir, toi aussi !

Tonak regretta amèrement que ce ne soit pas le cas quand les démons se ruèrent sur lui en une attaque parfaitement coordonnée. En sa faveur, Tonak réussit à bloquer deux coups.

Au fil des combats, les démons de Jarlax écrasèrent les défenseurs de Dallabad, principalement à l’aide d’armes physiques. Ils avaient pour ordre de verser le sang le moins possible en utilisant plutôt les coups soporifiques, et d’accepter les redditions. Mais beaucoup n’attendaient pas de découvrir si leurs victimes momentanément endormies étaient prêtes à se rendre ou pas. Leur chef se contenta de hausser les épaules, il s’en moquait. Après tout, ses démons et lui avaient peu l’occasion de livrer bataille à découvert. Si trop d’humains mouraient pour que la forteresse puisse encore être convenablement tenue, il suffirait de les remplacer. Quoi qu’il en soit, avec Soulin contraint par le morceau de cristal de battre en retraite, l’opération Dallabad entrait dans sa deuxième phase. Tout marchait à merveille. La cour et les remparts conquis, la forteresse elle-même était investie en plusieurs endroits. Ce fut à Kim et Ray de jouer. Le premier ordonna qu’on traîne devant lui des prisonniers éveillés pour les contraindre à montrer le chemin. Sa volonté écrasante les dominerait. A mesure que les humains progresseraient dans le labyrinthe semé d’embûches, il lirait dans leurs pensées les pièges à éviter pour parvenir au cœur de la forteresse. Dans sa tour de cristal, Jarlax aurait aimé vivre de plus près les joies de cette course au trésor. Mais une autre partie de lui décida plutôt de rester pour partager son excitation avec son puissant allié, Shinibon. Il le laissa même amincir de nouveau la paroi orientale et augmenter ainsi la luminosité dans la pièce.

-Où est-il ? Brailla Kohrez Soulin en parcourant la pièce d’un pas lourd. Harask !

-Il est peut-être retenu quelque part, avança Dania en se rapprochant de la tenture.

Tephanis aurait pu jaillir de sa cachette et la mettre hors d’état de nuire. Intrigué, il se retint et tendit l’oreille.

-Peut-être la force de la tour…, commença la jeune femme.

-Non ! Coupa son père. Harask est au-dessus de ce genre de contingences ! Son peuple voit les choses, voit tout, différemment !

Dania, revenue dans l’étroit champ de vision de Tephanis hoqueta soudain, les yeux écarquillés. Certain qu’elle était trop fascinée ou effrayée pour le remarquer, le tueur tomba sur un genou et risqua un coup d’œil. Un flagelleur émergeait d’un portail dimensionnel psychique. Il s’avança face à Kohrez. L’esprit en ébullition, le tueur recula derrière la tenture. En ce monde, très peu de chose le terrifiait. Dès sa plus tendre enfance, n’avait-il pas grandi dans les rues ? Ayant atteint le sommet de son art, n’avait-il pas ensuite survécu en Abime et à de nombreuses autres rencontres avec les démons ? Et à celle d’un flagelleur ? Il abhorrait cette engeance plus que n’importe quoi au monde. L’infâme laideur des flagelleurs n’était pas ce qui le choquait le plus. Leur comportement et leur vision différente de l’univers, ainsi que venait de le rappeler Kohrez, voila ce qui horrifiait Tephanis Aukrion. Le tueur avait toujours eu la haute main parce qu’il comprenait ses adversaires mieux que l’inverse. De fait de leur grande expérience et de leur don inné pour le complot et l’intrigue, les démons lui avaient lancé un rude défi. Face aux démons, Tephanis n’avait plus pu compter sur aucun de ses talents. Avec les flagelleurs, auxquels il avait brièvement eu affaire, son désavantage était encore plus criant et impossible à surmonter. Comment un humain aurait-il pu prétendre voir l’univers avec les yeux d’un flagelleur ? Donc, comment espérer se mettre à se place pour mieux prévoir ses agissements ? Impossible. Tephanis aurait donné cher pour disparaître dans un trou de souris. Tous les sens aux aguets, il écoutait chaque mot, chaque inflexion de voix, chaque souffle.

-Pourquoi n’as-tu pas plus vite répondu à mon appel ? Lança Kohrez Soulin.

-Ce sont des démons, répondit le monstre. Ils ont déjà investi la place.

-Vous auriez dû venir plus tôt ! S’écria Dania. Nous aurions pu battre…

Elle hoqueta et vacilla, sur le point de s’effondrer. Le flagelleur avait dû lui expédier un filament d’énergie mentale.

-Que dois-je faire ? Gémit Kohrez Soulin.

-Vous n’y pouvez plus rien, répondit le flagelleur. Vous ne survivrez pas.

-Il faut…parlementer…père ! Cria Dania lorsqu’elle eut recouvré ses esprits. Leur donner…ce qu’ils veulent…avant qu’il soit trop tard !

-Ils prendront ce qui les intéresse, dit Harask. Vous n’avez plus rien à offrir. Tout espoir vous est refusé.

-Père ? Implora la jeune femme d’une voix faible qui inspira soudain de la pitié.

-Contre-attaquez ! S’écria le vieil homme en tendant l’épée ensorcelée au monstre. Ecrasez-les tous !

Tephanis, qui avait trouvé le courage de risquer un autre coup d’œil, entendit un son bizarre. La version flagelleur du rire. Un sorte de toussotement étranglé. Kohrez Soulin, qui l’avait compris, vira au rouge pivoine.

-Ce sont des démons, répéta le monstre. Ne voyez-vous pas ? Il ne vous reste aucun espoir.

Soulin allait insister pour que Harask se dresse contre l’envahisseur quand la situation lui apaprut soudain plus clairement. Il marqua une pause et dévisagea le bipède à tête de pieuvre.

-Vous saviez ! Quand le psionique s’est immiscé à Dallabad, il vous a communiqué…

-C’était un démon, confirma Harask.

-Traître ! Rugit Kohrez Soulin.

-Envers qui ? Demanda Harask. Il n’y a jamais eu d’alliance ni d’amitié entre nous.

-Mais vous saviez !

Le flagelleur ne daigna pas répondre.

-Père ? Gémit de nouveau Dania.

Elle tremblait de ton son être. Kohrez Soulin se mit à respirer difficilement. De la main gauche, le vieil homme chasse la sueur de son front et les larmes qui perlaient à ses yeux.

-Que faire ? Se demanda-t-il à vois haute. Qu’est-ce qui…?

Ricanant et toussant de nouveau, le flagelleur se moqua ouvertement du pitoyable humain. Kohrez Soulin se ressaisit et le foudroya du regard.

-Ca vous amuse ? Demanda-t-il.

-Les malheurs des espèces inférieures sont assez réjouissants, répondit Harask. Comme vos gémissements ressemblent à s’y méprendre à ceux de vos victimes ! Combien vont ont supplié en vain de les épargner ? Et maintenant, juste retour des choses, ce sera au tour de Kohrez Soulin d’implorer en vain la clémence d’un vainqueur dont la puissance le dépasse !

-Mais un vainqueur que vous connaissez bien !

-Je préfère les démons à votre pitoyable engeance. Ils ne supplient pas inutilement des êtres implacables. Il n’y a pas de plus grande unité parmi eux que parmi vous, mais au moins, ils acceptent d’être faillibles. Le flagelleur s’inclina légèrement. A l’heure de votre mort, voilà tout le respect que je vous accorde. Je pourrais vous insuffler de l’énergie magique pour que vous l’utilisiez contre les démons, et je vous assure qu’ils sont désormais très proches, mais…Je choisis de ne pas le faire.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeJeu 20 Aoû - 12:58

Kohrez Soulin passa du désespoir à la colère, la réaction typique de ceux qui n’ont plus rien à perdre. Combien de fois Tephanis, dans les rues, avait assisté à ce genre de scène.

-Mais je porte le gantelet ! Rugit le vieil homme en pointant l’épée sur Harask. J’aurai au moins le plaisir de vous voir nous précéder dans la mort !

Harask parut se décomposer et se fondit dans le plancher en un clin d’œil.

-Maudit ! Brailla Soulin. Maudit soit ce…!

Des coups, à la porte, l’interrompirent.

-Ta baguette, Dania ! Cria-t-il en se tournant vers sa fille et la tenture qui décorait un mur de sa chambre, du sol au plafond. Les yeux écarquillés, la jeune fille ne fit pas un geste pour tiré l’arme de sous son ceinturon, et s’écroula, sans connaissance, aux pieds de Tephanis Aukrion. Loin de s’inquiéter du sort de sa fille, Kohrez Soulin étudia la nouvelle menace.

-Ca aurait été tellement plus simple si vous aviez accepté de me vendre l’épée, dit le tueur.

-Je savais que vous étiez derrière tout ça ! Grogna le maître du clan en s’approchant d’un pas en brandissant sa lame rouge sang étincelante.

-Je vous offre une dernière chance. Incrédule, Soulin écarquilla les yeux. La vie de votre fille en échange de l’épée, ajouta l’assassin en pointant sa dague ornée de joyaux sur Dania. Vous êtes libre de racheter la vôtre avec d’autres trésors.

A point nommé, le fracas de nouveaux duels monta derrière la porte.

-Ils se rapprochent, Kohrez Soulin, ajouta le tueur. Et ils sont en nombre.

-Vous avez attiré les démons à Portocal !

-Ils sont venus de leur propre chef. J’ai simplement eu la sagesse de ne pas m’y opposer. Alors ? C’est la dernière fois que je vous fais une telle proposition. Je peux encore sauver Dania. Elle n’est pas morte, seulement endormie. Remettez-moi tout de suite le gantelet et l’épée. En échange, elle vivra. Et vous pourrez enuite tenter de persuader les démons de vous laisser vivre. Contre eux, votre arme ne vous servira à rien. Ils n’ont nul besoin de magie pour voir anéantir.

-Mais puisque je dois défendre ma propre vie, pourquoi ne pourrais-je pas le faire l’épée à la main ?

Pour toute réponse, Tephanis baissa les yeux sur la jeuen femme endormie.

-Qui me dit que vous tiendrez parole ? Demanda Soulin.

Le tueur ne répondit pas. Il se contenta de poser sur lui un regard glacial. On tambourina de plus belle à la porte. Stimulé par le danger imminent, Kohrez Soulin bondit, épée pointée. Tephanis aurait pu tuer Dania et esquiver l’attaque sans peine. Au lieu de cela, il se glissa de nouveau derrière la tenture, s’accroupissant pendant que le vieil homme la lacérait à grand coups d’épée. La Griffe de Charon n’avait aucun mal à faire de la charpie du tissu. Des fragments de plâtre volèrent à la ronde. Tephanis émergea de l’autre côté de la tenture à l’instant où Soulin se précipitait dans sa direction avec jubilation de dément.

-Quelle valeur m’accorderont les démons quand ils découvriront le cadavre de Tephanis Aukrion ? Demanda-t-il en gémissant.

Il se fendit, visant le tueur à l’épaule. Tephanis ramassa une épée au sol qu’il prit de la main droite et sa dague dans la gauche, pour parer. Soulin se révélait un bon bretteur. Avant que son adversaire puisse le menacer avec sa dague, il se replia en position défensive. Tephanis se garda de revenir inconsidérément à la charge. L’homme, et surtout l’arme ensorcelée, méritaient le respect. Tephanis en savait assez sur la Griffe de Charon. La moindre égratignure s’infecterait et le précipiterait dans la tombe. Assuré de tenir tôt ou tard une ouverture, le tueur rongea son frein. Soulin se fendant en position basse, Tephanis esquiva d’un bond en arrière et contre-attaqua. A son tour, le maître du clan l’évita. Parant une nouvelle feinte, il visa le plexus solaire de son adversaire. N’importe qui en aurait été au moins quitte pour une égratignure. Mais Tephanis esquiva sans peine. Soulin tenta en vain de toucher Tephanis. Il dut courir et porter un coup de taille pour tenir l’assassin en respect, puisque celui-ci était parvenu on ne sait comment à faire quelques pas chassés sur sa droite tout en portant son troisième assaut. Ils se retrouvèrent à trois bons mètres l’un de l’autre. Kohrez Soulin grogna de frustration. Tephanis décrivant lentement un demi-cercle, son adversaire chercha à l’intercepter. Prêt à changer de direction et à couper toute retraite au vieil homme, Tephanis remarqua qu’il boitait un peu. Soulin ricana.

-Vous voulez désespérément la Griffe de Charon ! Mais saisissez-vous la véritable beauté d’une telle arme ? Sa puissance et sa ruse, assassin ?

Tephanis enchaîna les feintes à droite et à gauche, laissant son adversaire grignoter du terrain. Il s’impatientait. Dans le couloir, le vacarme avait cessé. Les démons étaient venus à bout de la résistance. Si solide que soit la porte, par ailleurs magnifique, elle ne tiendrait pas longtemps. Et Tephanis entendait régler l’affaire avant l’irruption de Ray et compagnie.

-Vous me prenez pour un vieillard ? Brailla Soulin en se ruant sur le tueur.

Cette fois, celui-ci contre-attaque et trompa sa garde, en faisant glisser son épée sous la lame de Soulin et en déviant la trajectoire de cette dernière. L’assassin se tourna et fit un pas en avant, dague haute. Mais il dut vite reculer avant d’être égratigné par la Griffe. L’angle d’attaque avait trop rapproché sa main de la lame ensorcelée. Ne parvenant pas à le bloquer, il dut battre en retraite lorsque son adversaire porta son attaque.

-Je suis un vieillard, ajouta le maître du clan, inébranlable, mais je puise des forces dans cette arme au point de vous damer le pion, Tephanis Aukrion ! Grace à elle, je vais vous tuer !

Il revint à la charge. Le tueur recula vers le mur du fond, opposé à la porte. Si lui perdait du terrain, Kohrez Soulin perdait également du temps.

-C’est ça, détale, petit lapin ! Je vous connais, Tephanis Aukrion ! Je vous connais ! Regardez !

Il brandit la lame qui sembla laisser des traînées noires dans les airs. Le tueur cilla de surprise. Elle émettait de la noirceur ! Des cendres épaisses en lévitation, comme figées dans les airs. Soulin altérait le champ de bataille à sa convenance.

-Je vous connais ! Répéta-t-il en bondissant.

Et en laissant toujours plus de traînées de cendes dans les airs.

-Oui, vous me connaissez, répondit le tueur avec le plus grand calme. Ce timbre de vois particulier rappela à Soulin à qui il avait affaire. Vous m’apercevez la nuit, Kohrez Soulin, dans vos songes. Dans les ombres épaisses de vos cauchemars, vous croyez voir la lueur de mes yeux…N’est-ce pas ?

Il avança d’un pas, lançant son épée selon l’angle idéal pour que Kohrez Soulin ne voie plus rien d’autre. La porte vola en éclats. Indifférent, le maître du clan bondit pour détourner l’attaque, frappant l’épée à la pointe, au milieu et sur le côté. Le lancer de Tephanis étant bien calculé, Soulin eut l’impression que son adversaire tenant encore l’épée. Le vieil homme abattit sa lame qui traversa les traînées noirâtres pour frapper son adversaire au cœur. Mais Tephanis n’était plus là. Une atroce douleur, dans le dos, tétanisa le vieil homme. Le tueur venait de le poignarder avec sa dague.

-Vois-tu des yeux te fixer, à l’ombre de tes cauchemars, Kohrez Soulin ? Ce sont les miens.

La dague buvait la vie du vaincu. Tephanis aurait pu l’enfoncer jusqu’à la garde, mais les deux hommes savaient que c’était inutile. L’homme était battu. Soulin lâcha la Griffe de Charon et son bras glissa sur son flanc.

-Démon ! Grogna-t-il à l’attention de l’assassin.

-Vraiment ? Répondit innocemment Tephanis. Qui était prêt à sacrifier sa propre fille pour une simple épée ?

A la surprise du vieil homme, Tephanis lui arracha le gantelet, qui roula sur le plancher, près de la lame magique. Du seuil monta une voix mélodieuse qui s’exprimait dans une langue fluide pourtant émaillée de consonnes dures. Tephanis s’écarta du moribond. Soulin se retourna et, les traînées se dissipant, il vit des démons dans l’encadrement de la porte arrachée. Kohrez inspira, se rappelant qu’il avait déjà eu affaire à des monstres, dont un flagelleur. N’avait-il pas également survécu aux machinations des autres maîtres de clan ? S’écartant de Soulin, Tephanis engagea la conversation avec le chef des démons. Près du vieil homme gisait la précieuse épée. Un artefact pour leqeul il avait effectivement été près de sacrifier sa fille. Tephanis s’éloigna encore. Personne ne semblait prêter attention au vieillard. LA griffe de Charon, à porté de main, l’appelait. Rassemblant son courage, tendant ses muscles et calculant la trajectoire la plus courte, Kohrez Soulin récupéra le gantelet noir cousu de fil rouge. Il le remit à sa main droite, et, avant de s’aviser qu’il ne lui allait plus aussi bien, ramassa l’épée ensorcelée. Il se tourna vers Tephanis en grognant.

-Dites-leur que je suis prêt à parlementer avec leur chef…

Sa voix devint subitement traînante. Tous ses mouvements ralentirent de façon anormale. On eût dit que quelque chose tirait sur ses cordes vocales. Son visage contorsionna grotesquement. Ses traits parurent s’allonger en direction de l’épée. Dans la salle, les conversations moururent. Tous les regards se braquèrent sur lui.

-Allez…en…enfer, Tephanis…! Grinça Soulin en trébuchant sur chaque mot.

-Que fait-il ? Demanda Ray au tueur.

Sans répondre, Tephanis amusé regarda le vieillard se débattre contre la Griffe de Charon. De la fumée s’éleva de son corps. De sa gorge déformée monta un gargouillis inintelligible. Il fut pris de tremblements tandis que la fumée s’épaississait. Sa bouche ne crachait plus que cette brume noire tandis qu’il tentait en vain de crier. Soudain, le phénomène cessa. Le vieil homme fixa Tephanis et hoqueta. Soulin survécut juste assez pour que s’affiche, sur son visage étiré, l’expression la plus terrifiée que Tephanis Aukrion ait jamais vue. Et qu’il goûta intensément. Dans la brutalité avec laquelle Soulin avait abandonné sa fille, il y avait quelque chose de trop familier. Kohrez Soulin grilla. La peau et la chair disparues en grésillant de sa tête, seuls restèrent un crâne blanc et deux yeux épouvantés. La griffe de Charon retomba au sol avec un curieux bruit mat. Le cadavre de Kohrez Soulin suivit le même chemin.

-Expliquez ! Ordonna Ray.

Pour toute réponde, Tephanis se rapprocha et ramassa son nouveau trésor. Il portait un gantelet identique à celui du mort, sauf que le sien était le vrai.

-Prie plutôt pour que contrairement à toi, je ne sois jamais précipité en enfer, Kohrez Soulin. Lâcha-t-il en guise d’oraison funèbre. Car si je t’y retrouve, je te tuerais à nouveau !

-Expliquez ! Répéta Ray en haussant le ton.

-Que j’explique quoi ? Répliqua Tephanis en se retournan pour faire face au magicien démon furieux. Il haussa les épaules, comme si la réponse était une évidence. J’étais préparé, au contraire de ce sombre idiot.

L’humain opposa un sourire au regard noir de Ray. Au fond, Tephanis eséprait ainsi provoquer le démon. N’était-il pas entré en possession de la Griffe de Charon ? Ne portail-il pas le gantelet ensorcelé ? Le monde venait de changer. D’une façon que le misérable démon ne comprendrait sans doute jamais.
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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitimeJeu 20 Aoû - 13:08

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MessageSujet: Re: L'Ombre de la Mort   L'Ombre de la Mort Icon_minitime

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