Et bien voilà, chers amis! Rideau, fini, pif pouf, adieu la vie. Bien que, selon de nombreuses personnes, je sois un gros con pédant, peureux et irascible qui ne vit "que pour faire chier son monde" (sisi, c'est ce qu'on m'a dit) alors que je suis à la frontière de la mort, rien. Je me souviens par exemple, au collège: trois connards m'avaient tapés dessus parce que je les cherchais (me demandez pas pourquoi, je vous l'ai déjà dit je suis un gros con) et je m'étais mis à chialer comme un dingue. Les trois p'tits caïds s'étaient foutus de moi, vite fait, genre "haha tapette" et un avait rajouté en rigolant: "J'parie qu'un jour quand tu crèveras tu chialeras encore plus!" Moi, j'm'étais essuyé les yeux, et j'm'étais barré en sanglotant. Pourtant, là, rien.

Bref. Me voilà donc, étalé comme une merde de chien qu'on aurait bien écrasé pour en foutre partout sur la route, avec un bras en moins. Le bras, je sais pas ou il est. il a du voler quelque part quand j'ai fait tout ces tonneaux en bagnole. J'me souviens l'avoir vu un bref instant, vite fait quoi, juste au-dessus de ma tête. J'aurais pu vomir, je l'aurais fais. Enfin, le reste de mon corps je sais pas dans quel état il est. Je ressens plus rien, du cou jusqu'aux pieds. Genre on m'a injecté de la morphine. Et puis je suis serein. Genre j'suis défoncé. Ouais, j'suis comme ça, sur la route, ça se trouve même que je souris, et que quand les passants me voient, ils se foutent de ma gueule. "Haha, il va crever et il sourit, quel con."

Finalement, je ne vais pas laisser tellement de choses en partant. Quand je regarde derrière moi, je vois juste tout un tas de connards. A moins que ne soit moi. Mes parents étaient des types normaux. Des cons, quoi. Mon père passait son temps à mater des conneries à la télé, et bossait dans une boite de merde ou il fabriquait des meubles. Ma mère est morte comme une conne. Elle téléphonait au volant, a grillé un feu rouge et renversé une femme enceinte. Elle s'est suicidé le lendemain, dans sa baignoire, tac! Les veines. De toute façon, elle était déjà dépressive, elle avait même suivi un traitement avec un psychologue et tout ce qui allait avec. Et moi, à sa mort j'avais pas tellement chialé que ça. J'm'en étais même pas voulu pour ça. Faut dire, je lui parlais jamais. J'la méprisais. Elle passait son temps à tirer la gueule, à chialer dans son coin... Mais mon père avait pas été mieux aussi, hein. T'façon, y'avait plus rien entre eux depuis longtemps. Ma main a coupé qu'ils avaient pas baisé ensemble depuis une bonne poignée d'années. Bref, j'avais une famille de merde. Pas grand chose à laisser derrière moi, quoi. Il parait que j'avais eu un grand frère, mais qu'il était mort à un an d'un accident domestique. Il parait hein, parce qu'on m'en parlait jamais. De toute façon, j'en avais rien à foutre.

Des amis? J'en avais pas. J'trainais bien avec un mec, en cinquième, il avait sauté deux classes. Il était un peu bizarre, et j'm'entendais pas super bien avec lui, mais j'm'y accrochais parce que c'était mon premier ami. Lui m'a jamais vraiment considéré comme son ami, il était avec moi parce que y'avait personne d'autre. Moi, j'me disais qu'il était comme moi, parce qu'il était rejeté, et tout. J'avais juste oublié un truc: j'étais un vrai con. Fin cinquième, ce connard me laissa seul en partant en école spécialisée. J'aurais voulu y aller, j'avais même demandé à mon prof tit'. Il m'avait regardé, puis m'avait expliqué calmement que je n'avais pas les capacités pour y aller... Que j'étais con, tout simplement.

Bref, ma vie? Elle était surtout WoW! Matin, midi et soir je me niquais les yeux sur cette merde, y jouant plus pour passer le temps que par pure envie. J'avais pas d'autres occupations. Puis vint mes dix-huit ans. Dix-huit ans d'une vie de merde. Combien de fois m'étais-je fait tabasser? Combien de fois m'avait-on craché dessus? Combien de fois avais-je cherché la merde? J'en savais rien. Et puis merde, je m'en branle. Parce que moi, je croyais que j'étais content. Heureux tout plein, parce que mon spadassin lvl80 t'en met plein la gueule, que moi même en vrai j'aime pas ceux qui sa le joue alors j'vais les braquer pis rien à fout' si j'me fait marave. Même que je suis un vrai dur, j'ai même pas chialé quand ma mère est morte, parce qu'elle me cassait trop les couilles, quoi. Surtout que vous avez pas vu ma bagnole; j'ai passé mon permis à dix-neuf ans, j'me suis acheté une pure bagnole de folie. Avec elle, j'vais dans les bars, je bois vachement parce que j'suis trop un dur tu vois et après j'rentre, rien à foutre si j'suis bourré.

J'crois qu'j'ai même un boyau qui me sort du ventre. Total délire quoi. Et puis j'entends l'ambulance qui arrive. Puis des mecs qui descendent. C'est quand ils me montent dans leur camionnette de merde que je rends à l'évidence. J'ai compris pourquoi je suis aussi serein. C'est vraiment la peine de tenter de me soigner, messieurs les ambulanciers? De toute façon, ces connards ont du voir que c'était foutu. Ils ont pas appelés la morgue parce que ça se fait pas. Et voilà. Du coup, en voulant me sauver, j'vais gêner des gens, leur fait perdre du temps. Même quand je veux pas, je fais chier le monde. J'suis pourri, j'suis maudit, j'sais pas, mais y'a un truc. Au final, tout ce que j'ai laissé derrière moi, c'est une grosse trainée de merde. pour ça que j'suis bien là. Laissez-moi crever, merde...