Cela faisait maintenant deux semaines que Doo' résidait chez son nouvel ami, Kuja. La vie était belle, tranquille. Nourriture à foison, une armée d'homme à queue pour la servir, venir jouer aux peluches avec elle. Et un cadre superbe, pour ne rien gâcher. Un immense palais, plein de merveilles, avec un temps idyllique à l'extérieur. Mais, il manquait un petit quelque chose a tout cela. Un petit rien, qui signifiait tout. Ohana.
Salaga s'amusait bien ici, surtout avec Kuja, mais sa famille lui manquait. La simplicité de sa petite maisonnette, la mission des courses hebdomadaires, chez le vieux bougon de marchand, les entrainements familiaux -bien moins impressionnants que ceux avec le dieu de Sekai, mais quotidiens- et puis, leur présence aussi. Leur amour sincère et profond, qui la faisait se sentir comme la sucrerie la plus énorme de l'univers. Une sucrerie que l'on gardait pour soit, que l'on chérissait, et que l'on ne mangeait pas.
L'entrainement récent avec son ami, avec le jeune oisillon qui lui avait rappelé une chanson, l'avait troublé. La petite chanson lui avait trotté dans la tête tout le reste de la journée. Et lui rappelait ses parents. Allongée sur le lit monumental dans sa chambre, entourée de ses peluches, elle la chantonnait en battant la mesure avec les jambes et le doigt, regardant son livre d'images vide.
"Aloha e aloha e, 'Ano 'ai ke aloha e
Aloha ae aloha e, A nu ay ki aloha e "
Les peluches se mirent à bouger leurs hanches en rythmes, jouant d'instruments miniatures que de gentils Soldats divins lui avaient confectionné avec plus ou moins de talent et de bonne volonté. Elle avait fini par découvrir que son statut de Protégée de Kuja lui donnait certains droits sur les Soldats divins, et en avait tiré autant de profit qu'elle avait pu. Certains avaient fini coiffés, maquillés. D'autre avaient servi de garde robe ambulantes. Et d'autres, enfin, lui avaient fabriqués ses instruments. Tous le faisaient en bougonnant, sauf les plus dignes d'eux, qui se montraient imperturbables, même sous un maquillage de clown. Et dans tous les cas, cette obéissance stupide et aveugle faisait autant partie du jeu pour Doo' que le vrai jeu. Elle se demandait vraiment pourquoi ils agissaient de manière si..placide. Comme si leur propre existence n'avait pas d'importance. Bha, qu'importe. Au moins, ca lui faisait des petits camarades pour jouer !
"There’s no place I’d rather be... (Il n'y a pas de places ou je préfèrerais être)
Then on my surfboard out at sea... (Que sur ma planche de surf, sur la mer)
Lingering in the ocean blue... (Me prélassant dans le bleu de l'océan)
And If I had one wish come true... (Et si un vœu pouvait devenir réalité)
I’d surf till the sun sets... (Je surferais jusqu'au coucher du soleil)
Beyond the horizon... (Au delà de l'horizon...) "
Le mini Futago maniait l'Ukelele d'une main de maitre, tandis que Kuja s'occupait des percussions. Gold était au tambourin. Le démon encapuchonné jouait d'un instrument a corde étrange. Et Vegeta dansait en rythme avec la musique. Déjà, que, de base, ses peluches n'étaient guère flatteuses pour les personnes dont elles étaient l'effigie, mais chantant et dansant sur un air hawaïen, elle en devenait presque ridicule.
"A wiki wiki mai lohi lohi
Lawe mai i ko papa he'e nalu
Flyin by on the Hawaiian roller coaster ride (Survolant la montagne russe hawaïenne -oui, c'est moche en francais-)"
La petite fille soupira malgré la gaité de la chanson. Il n'y avait effectivement aucun endroit ou elle avait plus envie d'être qu'auprès de sa mère, actuellement. Et de son père. Les marionnettes cessèrent leur concert quand la petite fille se releva, l'air décidé. Elle avait pris sa décision. Aujourd'hui, elle partait pour la Terre. Elle reviendrait après, bien entendu. Mais elle voulait voir Gibo et Gifu.
Elle saisit sa peluche d'écureuil, ainsi que son carnet de stickers, qu'elle cala sous son bras, avant de récupérer également la marionnette de Kuja. Et elle se dirigea vers la porte, le petit théâtre de marionnette s'animant de nouveau, reprenant l'air ou il s'était arrêté. Et, tout en avançant joyeusement vers sa Capsule, Doo' recommença son chant.
"A wiki wiki mai lohi lohi
La we mai iko papa he na lu
Pi'i na nalu la lahalaha
O ka moana hanupanupa"
Elle fit un petit coucou au soldat qui gardait le hangar, sans arrêter sa mélodie. Elle lui montra, tourbillonnant en rythme, le dessin de la terre sur le petit livret, et pris congé de lui en lui faisant une imitation grossière de salut militaire. Il devrait comprendre le message, après tout. Si elle allait dans le hangar, ce n'était pas pour prendre des bonbons.. Quoi que. Mais bon. Et puis, Raven était sensé tout savoir sur ce qui se déroulait ici. Kuja serait forcement au courant à un moment ou un autre. Sa chanson n'avait pas cessé.
"Lalala i kala hanahana
Me ke kai hoene i ka pu'e one
Helehele mai kakou e
Hawaiian roller coaster ride "
Elle porta un doigt à ses lèvres, bougeant en rythme ses hanches sur la musique, et déchira un bout de papier de son carnet qu'elle tendit au soldat. Un dessin grossier avec la terre, elle heureuse, ses parents -a priori- une capsule, et écrit en grosses lettres maladroites, un "Geu revien biento Ku'djatte !" multicolore. Bien sur. Il fallait qu'elle le laisse ! Elle l'avait fait pour son ami Kuja, avec toute son amitié ! Entre deux bonbons et trois chansons. Avec ses pastels gras et son papier de basse qualité. Et ses petites mains. Elle ne savait pas si ca lui plairait, il avait une armée à ses ordres après tout, mais elle s'en fichait pas mal. Elle avait pris plaisir a dessiner ce...truc.. Et c'était l'intention qui comptait. C'est ce que sa maman lui disait toujours !
"There’s no place I’d rather be
Than on the seashore dry, wet free"
Elle refit une toupie déhanchée, s'éloignant de nouveau du garde, et s'approchant à grands pas dansés de sa capsule personnelle. Le hangar était grand. Très grand. Et froid. La musique joyeuse se réverbérait contre les structures cristallines, rendant le tout un peu moins austère, et plus joyeux. Le rendant presque aussi accueillant qu'une bonne plage, avec ses palmiers en bordure, et sa mer azurée a perte de vue.
"On golden sand is where I lay
And if I only had my way"
D'un geste agile, elle sauta dans l'ouverture exiguë de la Capsule Haut de Gamme que Kuja lui avait envoyé pour qu'elle vienne sur Sekai, humant les odeurs terriennes encore présentes avec délice. Une odeur d'herbe. De parfum. De pollution aussi. Toutes si familières. Elle fit un signe d'au revoir à l'orchestre miniature, et referma le hublot, délicatement.
"I'd play til the sun sets
Beyond the horizon "
Elle commença à triturer les dizaines de boutons du cockpit. Elle ne se souvenait plus vraiment duquel faisait quoi. Mais bon. Ça devait pas être bien sorcier si un Sayen de base pouvait s'en servir ! Le pilotage automatique fut finalement enclenché, et après avoir pris un dernier bonbon de sa poche, pour la route, elle appuya sur le gros bouton rouge de mise a feu.
L'engin se mis en branle, grondant comme un troupeau de bison prêt a charger. La porte du hangar s'ouvrit. Et l'engin s'élança, faisant jaillir des flammes bleutées de ses réacteurs, se faufilant entre les grandes portes immaculées, et s'extirpant du bâtiment dans un bruit de tonnerre.